Un nouveau rapport régional met en lumière les risques pour les défenseurs des droits fonciers travaillant sur les violations commises par des entreprises dans les Amériques ; La Présidente de la Commission qualifie la situation de « disgrâce totale »

Un nouveau rapport régional met en lumière les risques pour les défenseurs des droits fonciers travaillant sur les violations commises par des entreprises dans les Amériques ; La Présidente de la Commission qualifie la situation de « disgrâce totale »

(Washington D.C) – La Présidente de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a qualifié de « disgrâce totale » l’incapacité des Etats dans les Amériques à protéger de manière adéquate les défenseurs des droits fonciers et environnementaux, après avoir entendu le témoignage de défenseurs représentant une coalition de 39 organisations à une audience historique à Washington D.C. hier.

La coalition, dont ISHR a participé à la formation, a également publié un nouveau rapport couvrant 17 pays et qui documente les risques spécifiques et additionnels auxquels sont confrontés les défenseurs des droits de l’homme travaillant sur des questions liées aux entreprises. La Présidente a noté que la protection de ce groupe de défenseurs est une priorité pour la CIDH, bien qu’elle ait reconnu que le manque constant de ressources affaiblit profondément la capacité de la CIDH à répondre de manière adéquate.

Points clés :

  • Un nouveau rapport important, compilé par 39 organisations couvrant 17 pays, documente les risques accrus auxquels sont confrontées les personnes défendant les droits fonciers et environnementaux dans les Amériques, avec des défenseurs faisant l’objet de pénalisation, de surveillance, d’enlèvements et même de meurtres commis par des acteurs à la fois étatiques et d’entreprises.
  • La Présidente de la Commission interaméricaine qualifie de « disgrâce totale » l’échec des gouvernements à protéger de manière adéquate les défenseurs ou à garantir la responsabilité et la fin de l’impunité pour des attaques commises contre eux.
  • Le rapport énonce plus de 40 recommandations destinées aux Etats, aux entreprises et à d’autres acteurs pour prévenir la pénalisation et les attaques contre les défenseurs, et pour garantir un environnement sûr et favorable pour leur travail vital de promotion de la responsabilité des entreprises, du développement durable et des droits de l’homme.

La coalition d’organisations nationales, régionales et internationales travaillant partout dans les Amériques a demandé que se tienne une audience inédite consacrée entièrement à ce sujet, afin de mettre en lumière le rôle des entreprises dans les violations contre des défenseurs travaillant sur les droits fonciers et environnementaux, tandis que le nouveau rapport contient des recommandations destinées à la CIDH, aux Etats, aux entreprises et aux mécanismes internationaux des droits de l’homme. 

« A travers notre analyse en tant que vaste coalition, nous étions en mesure de présenter à la Commission des preuves d’attaques systématiques contre des défenseurs des droits fonciers et environnementaux dans l’ensemble des Amériques, avec des exemples de collusion entre des entreprises, l’Etat et même des groupes de crime organisé visant à réduire les défenseurs au silence, » a déclaré Ben Leather du Service International pour les Droits de l’Homme (ISHR).

En ouvrant l’audience au nom de la Coalition, Maria José Veramendi de l’Association interaméricaine de défense de l’environnement (AIDA) a noté que les défenseurs des droits fonciers et environnementaux font face à des risques plus importants que d’autres groupes de défenseurs. Citant le travail de Global Witness, Mme Veramendi a noté qu’en l’espace d’une décennie, entre 2002 et 2013, au moins 760 défenseurs des droits fonciers et environnementaux ont été assassinés.

« Dans l’environnement dans lequel travaillent ces défenseurs règne une impunité profonde, ce qui encourage tout simplement de nouvelles menaces et attaques contre les défenseurs, » a déclaré Eleanor Openshaw d’ISHR.

Mme Veramendi a souligné que cette impunité est particulièrement marquée là où la présence de l’Etat est faible et où les entreprises sont libres de mener leurs opérations comme bon leur semble. Ce sont dans ces contextes particuliers que les défenseurs protègent les terres et les moyens de subsistance de leurs familles et des membres de leurs communautés. Des tactiques particulières sont utilisées pour affaiblir encore plus leur travail, notamment la stigmatisation des défenseurs comme opposants au développement économique ou comme terroristes, tout cela affectant négativement leur capacité à réclamer justice et les rendant encore plus vulnérables à de nouvelles attaques et restrictions.

Une tactique qui est clairement documentée dans le report est celle de la pénalisation des défenseurs par le biais de lois restrictives ou utilisant des formulations vagues, appliquées arbitrairement à leur encontre.

Danilo Chammas de Justiça nos Trilhos a parlé de la pénalisation commise par Vale S.A. au Brésil, où quatre membres des communautés rurales de Buriticupu au nord du pays ont été poursuivis en justice par la société pour avoir protesté contre les destructions causées par le passage de véhicules de l’entreprise à travers leurs terres. De plus, il a souligné la manière dont l’entreprise a utilisé un système de surveillance pour surveiller les défenseurs individuels et les organisations sociales. L’Etat brésilien, a déclaré M. Chammas, avait connaissance de ce système qui utilisait des agents de sécurité privés ayant précédemment opéré pendant la dictature militaire.

Maria Isabel Jiménez de l’Asamblea Popular del Pueblo Juchiteco (APPJ) a noté que la pénalisation était fréquemment dirigée contre des leaders indigènes et contre ceux exigeant le respect du droit des communautés affectées de donner leur accord librement, avec anticipation et de manière informée pour des propositions de projets de développement économique. Mme Jiménez, ainsi que ses collègues et sa famille, ont fait ces demandes à l’Etat et à l’entreprise en charge d’un projet de ferme éolienne au Mexique, et ont été victime de menaces de mort et d’attaques physiques pour cela, dans une communauté divisée.

Isabel Zuleta, du Movimiento dos Ríos, a déclaré qu’en Colombie, de puissants intérêts qui, par le passé, tiraient profit de la guerre, tirent à présent profit de l’exploitation des terres, et que sans changement au « modèle capitaliste » actuel, la destruction de l’environnement va continuer et, avec eux, les menaces et les attaques contre ceux qui les défendent dans la région.

Dans ses recommandations, la coalition a appelé la Commission à se focaliser sur ce groupe de défenseurs dans le cadre de son travail, tout en définissant avec l’aide de la société civile de meilleures mesures de protection pour répondre à leurs besoins spécifiques, en particulier les communautés et collectifs de défenseurs. La coalition a également appelé la Commission à convoquer une réunion afin de réunir les défenseurs et les entreprises pour discuter des responsabilités de ces dernières quand il s’agir de garantir un environnement sûr et favorable pour les défenseurs.

Les panelistes ont parlé des menaces et des attaques qu’eux et leurs collègues ont subies personnellement. Mme Zuleta a parlé d’une série de menaces dirigées contre elle, et elle a souligné en particulier une tentative d’enlèvement contre elle et ses collègues. Ils ont déposé une plainte formelle contre ceux qu’ils considèrent comme étant les responsables, a-t-elle expliqué, mais aucune enquête n’a néanmoins été menée concernant ces évènements. Un appel fort a été fait à la CIDH concernant le besoin de protection contre les représailles pour les défenseurs témoignant à la Commission.

En réponse aux témoignages communiqués à la CIDH au cours de l’audience, la Présidente a noté que l’audience a mis en lumière « l’étendue et l’ampleur » du problème auquel sont confrontés les défenseurs des droits fonciers et environnementaux à travers la région, notant qu’il existe « une tendance claire de persécutions » dans toute la région. La Président a clairement fait état de la disponibilité limitée de fonds à la Commission, ce qui a mené au retard de l’instauration d’un Rapporteur Spécial sur les droits économiques, sociaux et culturels, attendu depuis si longtemps.

Pour plus d’informations, vous pouvez contacter Eleanor Openshow à New York ([email protected]) ou Ben Leather à Genève ([email protected]).

L’audience a été combinée avec une autre audience, menée par l’International Institute for Law and Society, en collaboration avec les autorités indigènes, et qui a mis en lumière un grand nombre des mêmes tendances de menaces et d’attaques.  

Les organisations faisant partie de la coalition et qui ont contribué à l’audience et au rapport sont : Asociación Interamericana para la Defensa del Ambiente (AIDA), Amazon Watch, la Asamblea de los Pueblos del Sur, Asociación Pro Derechos Humanos (APRODEH), Asamblea de los Pueblos Indígenas del Istmo de Tehuantepec en Defensa de la Tierra y el Territorio (APIITDTT), Association for Women’s Rights in Development (AWID), Colectivo de Abogados José Alvear Restrepo (CAJAR),  Centro por la Justicia y el Derecho Internacional (CEJIL), Centro de Derechos Humanos de la Montaña ‘Tlachinollan’, Centro de Derechos Humanos de las Mujeres Chihuahua, Centro Mexicano del Derecho Ambiental (CEMDA), Centro Nicaraguense de Derechos Humanos (CENIDH), Comisión Ecuménica de Derechos Humanos (CEDHU), Comisión Mexicana para la Defensa y la Promoción de los Derechos Humanos (CMDPDH), Comité de Familiares de Detenidos y Desaparecidos en Honduras (COFADEH), Comunidad de Derechos Humanos Bolivia, Conectas Direitos Humanos, Comisión Colombiana de Juristas, Derecho, Ambiente y Recursos Naturales (DAR), Due Process of Law Foundation (DPLF), Federación Internacional de Derechos Humanos (FIDH), Fondo de Acción Urgente de América Latina y el Caribe (FAU-AL), Forum Suape, Global Witness, Iniciativa Mesoamericana de Mujeres Defensoras de Derechos Humanos, Internacional Service for Human Rights (ISHR), JASS por Asociadas por lo Justo (JASS), Justiça Global, Justiça nos Trilhos, Laboratorio de Paz, Movilización de Mujeres Afrodescendientes del Norte del Cauca por el Cuidado de la Vida en los Territorios Ancestrales, Peace Brigades International (PBI), Plataforma Internacional Contra la Impunidad, Proceso de Comunidades Negras en Colombia PCN, Proyecto de Derechos Económicos Sociales y Culturales (ProDESC), Robert F. Kennedy Human Rights, Terra Mater, La Unidad de Protección a Defensores y Defensoras Guatemala (UDEFEGUA), y Unión Nacional de Instituciones para el Trabajo de Acción Social (UNITAS).