Photo: Doudou Diène, President of the UN Commission of Inquiry on Burundi, UN Geneva/Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

Organes de traités | Quelles réponses dans un contexte de crise comme le Burundi ?

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Par Armel Niyongere, avocat  défenseur des droits humains, leader de la société civile burundaise pendant plusieurs années. Armel Niyongere représente souvent la société civile du Burundi dans la préparation et la présentation des rapports alternatifs devant les organes de traités.

Les organes de traités ont démontré leur capacité à prendre les bonnes mesures dans des situations de crise comme au Burundi. La coordination avec les instances supérieures des Nations Unies comme le Conseil de sécurité ou le Conseil des droits de l’Homme est nécessaire dans de telles situations.

Cet article a été initialement publié sur OpenGlobalRights le 27 novembre 2019.

Depuis 2015, le Burundi traverse une crise politique grave qui a impacté très négativement les droits humains. Plusieurs milliers de personnes ont été tuées, ou ont subi une disparition forcée, des centaines de femmes et de filles ont été violées, tandis que d’autres personnes croupissent injustement en prison et que des centaines de milliers d’autres ont été contraintes de fuir le pays, et de trouver asile dans la sous-région et d’autres pays.

Les différents mécanismes internationaux de protection des droits humains ont formulé, tour à tour et en vain, des appels au gouvernement burundais à protéger ses propres citoyen.nes contre les atteintes à leurs droits.

Plusieurs organes de traités de l’ONU ont dénoncé, chacun dans leur sphère spécifique, les violations des droits et obligations perpétrées, et ont formulé des recommandations demandant au pays de s’engager pour le respect des droits et libertés des citoyen.nes.

Au lieu de fournir des réponses aux questions posées et de se conformer aux recommandations des organes de traités, le gouvernement du Burundi s’empresse chaque fois de prendre des mesures de représailles envers les organisations et/ou individus ayant collaboré avec ces instances et d’abandonner les examens, comme ce fut le cas lorsque le Comité contre la torture exigea un examen spécial de la situation au Burundi en juillet 2016.

A cette occasion, le régime de Bujumbura s’est vengé contre les organisations burundaises en radiant quatre juristes activistes burundais de l’Ordre des avocats. Cette mesure a été suivie par une saisie généralisée des biens de plusieurs autres activistes des droits humains, tous/toutes étant accusé.es sans fondement d’être de mèche avec les militaires putschistes du 13 mai 2015.

Les menaces envers les personnes ayant participé à l’examen du Burundi ont été dénoncées par les Nations Unies, et constituent une violation claire à la Convention qui prévoit la protection des plaignant.es et des témoins contre « tout mauvais traitement ou toute intimidation suite à une plainte ou un témoignage

C’est à cette même  politique de l’autruche que le gouvernement joue avec la décision d’interdire l’accès au Burundi à la Commission d’enquête diligentée par le Conseil des Droits de l’Homme, et de déclarer personae non gratae les commissaires de ladite commission.

Le retrait unilatéral du statut de Rome, alors même que la Cour pénale internationale venait d’entamer des enquêtes préliminaires sur les crimes liés à l’opposition populaire au 3ème mandat du président actuel, s’est ajouté au panier des manœuvres visant à soustraire progressivement le Burundi à ses obligations internationales.

Même si le Conseil de sécurité reste sujet aux vétos des grandes puissances, les organes de traités sont en mesure de discerner les situations qui requièrent une intervention urgente de la communauté internationale.

Les réactions des organes de traités et autres instances onusiennes n’ont malheureusement pas arrêté la machine répressive. Mais elles ont révélé la capacité d’un régime répressif comme le Burundi à s’en prendre aux activistes par tous les moyens, illustrant par la même le besoin d’une réponse systémique et forte des instances onusiennes. Au Burundi, presque tous/toutes les activistes engagé.es dans les instances onusiennes des droits humains ces dernières années ont été forcé.es de prendre le chemin de l’exil ; et presque toutes les organisations de défense des droits humains indépendantes ont été radiées, leurs comptes bancaires gelés, sans oublier la fermeture du bureau du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme.

Les violations des obligations internationales et constitutionnelles par le Burundi appelle une réponse forte de la communauté internationale, et plus particulièrement des instances onusiennes. L’examen spécial du Burundi par le Comité contre la torture, et la création d’une Commission d’enquête par le Conseil des droits de l’Homme sont censés apporter des réponses, mais jusqu’ici les victimes continuent à demander justice, et la répression reste généralisée.

Partant de cet amer constat, il est nécessaire que les situations de violations systématiques et répétées des Conventions internationales, et la perpétration avérée de crimes contre l’humanité puissent être référées directement par les organes de traités aux instances les plus hautes, c’est-à-dire au Conseil de sécurité. Même si ce dernier reste sujet aux vétos des grandes puissances, les organes de traités sont en mesure de discerner les situations qui requièrent une intervention urgente de la communauté internationale, puisqu’ils reçoivent et analysent les rapports détaillés faisant état des violations. Certains de ces rapports sont totalement confidentiels vu la nature de leur contenu.

En référant directement des situations de violations graves et avérées des traités internationaux au Conseil de sécurité ou au Conseil des droits de l’Homme, les organes de traités démontreraient que leur pertinence et leur capacité d’agir ne se limitent pas à un cycle d’examen périodique, mais qu’ils sont aussi capables de réagir lorsque la situation le requiert.

Les opinions exprimées dans cet éditorial ne reflètent pas nécessairement celles de ISHR.​

Photo: Doudou Diène, President of the UN Commission of Inquiry on Burundi, UN Geneva/Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)

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