UE | Les droits humains doivent être au centre des discussions stratégiques avec la Chine

Après les performances décevantes des leaders européen.nes ces dernières semaines, y compris lors de la 40ème session du Conseil des droits de l'Homme, à Genève, le dialogue Union Européenne(UE)-Chine sur les droits de l'Homme qui aura lieu le 1er avril, sera la dernière chance pour l’UE de mettre l’accent sur les droits humains en Chine et d'assurer la transmission de ce message lors du sommet de Bruxelles du 9 avril.

Updated as of 4 April: We also published a similar piece in English at The Diplomat, ahead of the dialogue.  For analysis and civil society thoughts on follow-up, read our joint press release in English.

Les informations sont plus que crédibles : environ un million de Ouïghours et d’autres membres des minorités musulmanes en Chine détenu.es sans procès dans des camps de « rééducation » ; un système orwellien de surveillance ; des politiques qui ciblent étroitement les défenseur.e.s des droits humains, y compris avocat.es, étudiant.es et activistes; des inégalités persistantes et profondes dans l’accès à la santé et à l’éducation ; et le ciblage au-delà des frontières chinoises des dissident.es et autres, y compris de citoyen.nes européen.nes, qualifié.es de « criminel.le s».

Voici le contexte dans lequel la Commission européenne va mener son dialogue annuel sur les droits humains avec le Gouvernement chinois, le 1er avril à Bruxelles, dialogue qui sera suivi par un Sommet le 9 avril entre la délégation chinoise et les présidents du Conseil et de la Commission, Donald Tusk et Jean-Claude Juncker. Confronté.es à ces faits sérieux et préoccupants, les leaders européen.nes auraient tout intérêt à mettre en place une rhétorique et une politique d’engagement envers la Chine qui renforcent sans ambiguïté le besoin de réformer ces pratiques. Ce serait mieux pour le peuple chinois, et aussi pour l’Europe.

Malheureusement, les efforts déployés jusqu’à présent laissent sérieusement à désirer.

Rien que ces dernières semaines, l’UE a mené plusieurs discussions parallèles avec la Chine, toujours en faveur de la cohésion et du commerce : ces entretiens ont démontré que les priorités actuelles n’incluent guère les droits humains. Au Conseil des droits de l’Homme à Genève, d’abord, ni l’UE ni ses Etats membres n’ont sérieusement poussé pour une enquête sur la tragédie subie par les Ouïghours dans l’Ouest de la Chine. Quelques ambassadeurs/rices européen.nes – dont, l’espace d’un instant, le représentant français – se sont contenté.es de faire état de leurs préoccupations d’usage.

Ensuite, à Bruxelles, le rapport stratégique sur la Chine de la Commission européenne a beaucoup fait parler, tout en restant largement muet sur le sujet des droits humains. En faisant brièvement référence à des progrès dans les domaines économiques et sociaux, il ne répétait rien de moins que la propagande du Parti communiste chinois.  Quant aux violations graves et massives au Xinjiang et le tour de vis contre les libertés fondamentales, il tenait en trois courtes phrases seulement parmi les onze pages du document. En fait, en matière de droits humains, le rapport recommande de renforcer le soutien aux trois piliers de l’ONU – développement, paix, et droits humains ; une hypocrisie quand on sait que la Chine s’est attelée à affaiblir le système de protection international onusien.   

Pour ceux qui n’avaient pas encore saisi la faiblesse de cette approche, la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, est revenue à la charge lors de la conférence de presse qui faisait suite à un dialogue avec son homologue chinois : elle a reconnu que les points de vue de l’UE et de la Chine pouvaient « différer à ce sujet. » Le fameux dîner à quatre de cette semaine à l’Elysée, entre le président français, son homologue chinois la chancelière allemande et M. Juncker, n’était rien d’autre que la plus récente opportunité ratée.

Tout cela ne fait pas vraiment le poids face aux crimes à grand échelle et à la destruction de tout un peuple au Xinjiang, ni face aux détentions et disparitions forcées qui érodent et découragent, et parfois mettent fin, à toute une génération d’activistes et d’avocat.es. Et pourtant, les défenseur.e.s des droits humains en Chine restent optimistes que l’UE pourrait avoir une influence forte sur leur gouvernement – si elle s’en donnait un peu la peine.

Aujourd’hui, à la fin d’un long mois de discussions entre les deux blocs, le Dialogue sur les droits de l’Homme prévu lundi prochain semble être l’option de la dernière chance de se rattraper pour la diplomatie européenne. Lors de la tenue de ce même dialogue à Pékin l’été 2018, la société civile avait salué un communiqué final fort des Européen.es, rompant avec le rôle bien trop passif qu’ils/elles avaient tenu dans le passé. En exigeant des résultats mesurables de la part de la Chine et en inscrivant ces questions à l’agenda de toute discussion avec Pékin, l’UE démontrerait qu’elle mettait la Chine au défi de respecter la dignité de ses propres citoyen.nes. La poursuite d’un dialogue sur les droits humains entre l’UE et la Chine ne sera utile que s’il informe les débats au plus haut niveau.

Pour établir un vrai partenariat entre la Chine et l’UE, ce qui reste le but de tous/toutes, le Dialogue et le Sommet du 9 avril doivent faire avancer le débat sur ces questions, et non les enterrer à la demande de Pékin. Si l’Europe souhaite se présenter en défenseure de ses valeurs et des droits universels au niveau mondial, elle doit également le démontrer de manière non négociable avec la Chine.

Sarah M Brooks est responsable de plaidoyer auprès de l’Asie au International Service for Human Rights. Elle est joignable à s.brooks[at]ishr.ch ou sur Twitter @sarahmcneer.

 

Photo credit: Federica Mogherini at the ASEAN Regional Forum in Manila, August 2017, Federica Mogherini meets with Wang Yi, Chinese Foreign Minister. Via European External Action Service, www.flickr.com/photos/eeas/

 

 

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