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ACHPR83: Groundbreaking report on situation of human rights defenders in the island States of Africa

En marge de la 83e session de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, ISHR a présenté son premier rapport sur la situation des défenseur·e·x·s des droits humains dans les États insulaires africains : le Cap-Vert, les Comores, Madagascar, Maurice, São Tomé-et-Príncipe et les Seychelles.

Animée par Antoine Tremblay, membre de l’équipe Afrique d’ISHR, la réunion de présentation rassemblait des acteurs étatiques et des parties prenantes de la société civile de la région et d’ailleurs. Parmi les intervenant·e·x·s figuraient Angélique Razafindrazoary, défenseure de l’environnement, Nirinarisoa Prisca Andrianalivelo, vice-présidente de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme de Madagascar, Anjeelee Kaur Beegun, défenseure mauricienne des droits humains, et Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission Africaine et Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme.

Dans son discours d’ouverture, Antoine Tremblay a expliqué que le rapport To be seen, heard and recognised avait été élaboré en réponse aux appels des défenseur·e·x·s de ces États insulaires, qui se sentaient exclu·e·x·s des initiatives de plaidoyer menées sur le continent.

L’idée de ce rapport est née de conversations avec des défenseur·e·x·s d’États insulaires qui déploraient le manque de visibilité des violations auxquelles iels étaient confronté·e·x·s et leur exclusion du mouvement plus large des droits humains en Afrique. L’objectif était de mettre en lumière les réalités de terrain et les bonnes pratiques, de cerner les lacunes et, en fin de compte, de plaider pour des mécanismes de protection plus solides.
Antoine Tremblay, membre de l’équipe Afrique d'ISHR

Antoine Tremblay a souligné que les réalités des défenseur·e·x·s dans ces pays variaient, mais que les thèmes de la restriction, de l’isolement et de la vulnérabilité revenaient dans tous leurs récits.

Dans ses remarques, Angélique Razafindrazoary a indiqué que les défenseur·e·x·s de l’environnement malgaches subissaient des pressions de la part des autorités locales et des puissants acteurs économiques.

Les entreprises, les autorités locales et les particuliers nous menacent parce que nous cherchons à protéger les forêts. Loin d’être considéré comme essentiel, notre travail dérange.
Angélique Razafindrazoary, fondatrice de l’association humanitaire et environnementale Razan’ny Vohibola, à Madagascar

Elle a expliqué que les défenseur·e·x·s, en particulier les femmes, étaient souvent accusé·e·x·s de vouloir s’opposer au développement et au gouvernement, ce qui stigmatisait leur travail et les fragilisait encore davantage. Elle a également indiqué qu’un grand nombre de défenseur·e·x·s de l’environnement travaillaient dans des zones rurales isolées, sans éducation formelle ni connaissances juridiques, ce qui les rendait particulièrement vulnérables. Elle a souligné le besoin urgent de mesures de protection reconnaissant les risques croisés qui touchent les défenseur·e·x·s de l’environnement et les femmes défenseures des droits humains.

Nirinarisoa Prisca Andrianalivelo, vice-présidente de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH) de Madagascar, a indiqué que les institutions nationales telles que la CNIDH étaient censées promouvoir et protéger les droits humains, mais que leurs activités étaient souvent limitées par des cadres juridiques, financiers et politiques restrictifs. Prisca a souligné que les défenseur·e·x·s, en particulier les personnes qui œuvrent en faveur de la protection de l’environnement et des droits des femmes, continuaient de faire l’objet de menaces et de représailles, notamment dans les zones reculées ou rurales où la présence de l’État est limitée.

Nous sommes profondément préoccupé·e·x·s par l’isolement des défenseur·e·x·s dont les activités sont perçues comme une menace pour les pouvoirs et les intérêts locaux. Ces personnes sont souvent seules et n’ont accès à aucun mécanisme de soutien ni à aucune assistance juridique.
Nirinarisoa Prisca Andrianalivelo, vice-présidente de la Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (CNIDH), Madagascar

S’agissant de rendre l’action des institutions nationales des droits de l’Homme (INDH) plus efficace, elle a souligné l’importance de renforcer les capacités internes, d’assurer à ces institutions un financement adéquat et d’adopter des approches proactives. Elle a également insisté sur la nécessité d’établir des partenariats solides et fondés sur la confiance avec les organisations de la société civile, notant que les INDH ne devraient pas se considérer comme supérieures ou extérieures à la société civile, mais comme ses alliées. Prisca a conclu en réaffirmant la volonté de la CNIDH de travailler main dans la main avec les mécanismes régionaux et internationaux afin de renforcer le cadre de protection des défenseur·e·x·s à Madagascar et dans les autres États insulaires.

Fondatrice de l’organisation ReKonekt à Maurice, Anjeelee Kaur Beegun a livré une poignante intervention sur les obstacles structurels et culturels auxquels se heurtent les défenseur·e·x·s des droits des personnes LGBTQ+ dans les États insulaires d’Afrique. Elle a expliqué comment des lois datant de l’ère coloniale, conjuguées à la stigmatisation sociale et à l’inertie politique, continuaient à faire taire les voix queers et à marginaliser les personnes qui les défendent.

Défendre les droits des personnes LGBTQ dans les îles n’est pas seulement mal vu. C’est dangereux. Nous sommes criminalisé·e·x·s par la loi, ciblé·e·x·s par la société et ignoré·e·x·s par nos gouvernements. Même les mécanismes de protection des droits humains nous relèguent au second plan.
Anjeelee Kaur Beegun, défenseure mauricienne des droits humains

Anjeelee a souligné que la criminalisation des relations homosexuelles dans certains États insulaires n’existait pas que sur le papier, mais servait d’outil pour harceler, faire chanter et exclure les gens. Elle a également déploré le manque de volonté politique des acteurs étatiques et la réticence des INDH à s’engager pleinement aux côtés des défenseur·e·x·s des droits des personnes LGBTQ+ et à les protéger.

Rémy Ngoy Lumbu a félicité ISHR pour ce rapport essentiel et a noté que les États ne s’acquittaient pas toujours de leurs obligations au titre de la Charte africaine. Il a réitéré la volonté de la Commission Africaine de travailler aux côtés des défenseur·e·x·s dans les États insulaires et a souligné la nécessité pour les défenseur·e·x·s de coopérer avec les mécanismes de la Commission pour faire entendre leurs voix et garantir la prise en compte de leurs besoins.

Nous espérons que ce rapport débouchera sur des actions positives, non seulement de la part des gouvernements, mais également de la part des parties prenantes africaines et internationales œuvrant en faveur des droits humains. La visibilité, l’établissement de réseaux et la solidarité sont essentiels.
Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission Africaine et Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme

La table ronde s’est conclue par un appel à l’action afin que soient renforcées la collaboration entre la société civile et les mécanismes régionaux, la mise en œuvre des instruments de défense des droits humains, la visibilité des défenseur·e·x·s travaillant sur les questions à la marge et la solidarité à leur égard.