Dans une décision qui fera date en matière de représailles, le Comité contre la torture de l’ONU a conclu que le Burundi avait violé la Convention contre la torture en commettant des actes de représailles contre quatre avocats ayant collaboré avec le Comité, notamment par leur radiation du barreau et leur suspension de l’exercice de la profession d’avocat.
Dans ses décisions adoptées le 21 novembre 2025 et rendues publiques cette semaine, le Comité a estimé que le Burundi avait enfreint l’article 13 de la Convention, qui oblige les États à protéger les plaignant·e·x·s et les témoins contre toute intimidation ou représailles pour avoir collaboré avec les mécanismes des Nations Unies.
L’affaire concerne Dieudonné Bashirahishize, Armel Niyongere, Vital Nshimirimana et Lambert Nigarura, qui ont tous fourni des informations au Comité lors de son examen de la situation des droits de l’homme au Burundi en juillet 2016.
Cette décision intervient cinq ans après qu’ISHR a soutenu les avocats dans le dépôt d’une plainte auprès du Comité en réponse aux actes de représailles flagrants perpétrés par les autorités burundaises à leur encontre. Outre leur radiation du barreau, les victimes et leurs familles ont également subi des menaces, leurs biens ont été saisis arbitrairement et elles ont été contraintes de quitter le Burundi et de s’exiler.
Conclusion claire sur les représailles
Le Comité a réaffirmé sans ambiguïté que les représailles à l’encontre de personnes ayant collaboré avec l’ONU constituent en elles-mêmes de graves violations des droits humains : « Conformément à l’article 13 de la Convention, chaque État partie prend des mesures pour garantir la protection [des plaignant·e·x·s] et des témoins contre tout mauvais traitement ou intimidation en raison de sa plainte ou des éléments de preuve qu’ils ont fournis », indique la décision.
Il a également reconnu que les représailles peuvent relever de l’interdiction absolue de la torture : « Le Comité rappelle son avis selon lequel les représailles constituent une forme de traitement ou de peine cruel au sens de l’article 16 de la Convention et peuvent constituer un acte de torture dans certaines circonstances. »
Les membres du Comité ont constaté que les poursuites disciplinaires engagées contre les avocats – lancées le jour même où le Burundi s’est retiré du dialogue avec le CAT – n’étaient pas une coïncidence, mais qu’elles étaient motivées par leur coopération avec l’ONU.
Le refus de coopérer avec l’ONU condamné
Outre les représailles elles-mêmes, le Comité a constaté que le refus du Burundi de se soumettre à la procédure de traitement des plaintes individuelles constituait une autre violation de la Convention : « Le Comité demeure profondément préoccupé par le refus de l’État partie de coopérer à la procédure de traitement des plaintes individuelles », concluant que « ce refus constitue également une violation […] de l’article 22, paragraphe 3, de la Convention ».
Un précédent pour l’ensemble du système des droits humains de l’ONU
Le Comité a ordonné au Burundi de :
- Rétablir les droits des plaignants à exercer le droit et lever toutes les interdictions professionnelles
- Accorder une réparation intégrale, comprenant indemnisation, restitution, réadaptation, satisfaction et garanties de non-répétition
- Adopter des mesures visant à prévenir les représailles contre les personnes qui interagissent avec les mécanismes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme.
Cette décision constitue la position la plus claire d’un organe conventionnel des Nations Unies déclarant que les représailles contre les défenseur·e·x·s des droits humains qui travaillent avec les Nations Unies sont illégales et peuvent constituer des traitements cruels, inhumains, voire de la torture.
« Cette décision crée un précédent fondamental pour l’ensemble du système des droits de humains des Nations Unies », a déclaré Madeleine Sinclair, qui a accompagné les plaignants depuis le début de la procédure au nom d’ISHR. « Elle confirme que les États ne peuvent pas instrumentaliser les procédures disciplinaires ou judiciaires pour punir les personnes qui coopèrent avec l’ONU et que de tels agissements portent atteinte aux fondements mêmes du système international des droits de humains », a-t-elle conclu.