Animée par Solomon Ayele Dersso, la table ronde s’est tenue conformément à la résolution sur le génocide de 1994 adoptée par la Commission Africaine et dans le cadre de la période de commémoration annuelle établie par l’Union Africaine et les Nations Unies (du 7 avril au 16 juillet).
Cette table ronde cherche avant tout à tirer les enseignements de cette atroce période pour qu’elle se ne répète jamais.
Solomon Ayele Dersso, membre de la Commission Africaine
Ayale Dersso a souligné la nécessité d’honorer la mémoire des victimes et de reconnaître les souffrances durables de la communauté tutsie, en particulier des femmes et des enfants.
Adama Dieng, envoyé spécial désigné par le président de la Commission de l’Union Africaine pour la prévention du génocide et des atrocités de masse, a livré une analyse poignante de la défaillance des instances internationales et régionales qui ont rendu le génocide possible. Il a rappelé les conclusions du rapport de 1998 rédigé par le Groupe international de personnalités éminentes formé par l’Organisation de l’unité africaine (OUA) qui a enquêté sur les événements qui se sont produits avant et pendant le génocide.
Dieng a souligné que le génocide de 1994 n’était pas le fait de l’ignorance, mais de l’inaction de la communauté internationale. Celle-ci, bien que consciente de la menace croissante de violence de masse, a choisi de se croiser les bras face à l’assassinat de près d’un million de Tutsis en un peu plus de 100 jours seulement. Son inaction a été aggravée par la faiblesse des systèmes d’alerte précoce, le manque de volonté politique et l’indifférence des institutions.
La commémoration est certes essentielle, mais la prévention des génocides exige également l’établissement des responsabilités juridiques, l’exercice d’une vigilance internationale et la mise en place d’un leadership politique proactif.
Adama Dieng, envoyé spécial du président de la Commission de l’Union Africaine pour la prévention du génocide et des atrocités de masse
Dieng a appelé les États africains, les organismes régionaux et la Commission Africaine à mettre en place de solides mécanismes nationaux d’alerte précoce et d’intervention, ainsi que des systèmes juridiques et institutionnels capables de réagir rapidement aux signes de violence identitaire et d’effondrement de l’État.
Allan Ngari, directeur du plaidoyer de la division Afrique de Human Rights Watch, a également pris la parole pour décrire l’effondrement institutionnel et moral qui a abouti au génocide. Il a rappelé que le génocide avait eu lieu au vu et au su du monde entier et que les premiers signes de violence ciblée qui l’avaient précédé, bien que publiquement dénoncés, avaient été ignorés par les puissances mondiales et régionales.
Allan Ngari a mis en avant la Politique de justice transitionnelle de l’Union Africaine en tant qu’outil porteur de changement qui favorise une approche africaine, holistique et centrée sur les victimes de la justice post-conflit, de l’établissement de la vérité et des responsabilités, et de la non-répétition. Il a souligné que l’efficacité de cette politique reposait sur trois piliers clés : le rôle pilote de la Commission Africaine, l’appropriation par les États membres et les partenariats solides avec la société civile.
À la lumière des conflits en cours au Soudan et dans l’est de la République démocratique du Congo, Ngari a exhorté la Commission Africaine à systématiquement mobiliser ses capacités d’alerte précoce et d’enquête en présence de signes évidents de ciblage ethnique, de discours de haine et d’effondrement de l’État.
La table ronde s’est conclue par un appel unanime à une mobilisation plus forte et plus proactive des institutions africaines face aux conflits et aux atrocités. Les personnes présentes ont souligné l’importance de se souvenir du passé, non seulement pour en faire le deuil, mais également pour éclairer les mesures à prendre afin que la tragédie du génocide de 1994 contre le peuple tutsi ne se reproduise plus jamais.
Author
Adélaïde Etong Kame
Adélaïde has a Master in International Law and Relations from the University of Clermont-Ferrand. Adélaïde worked with indigenous people and minorities in Mauritania for better protection of their rights, especially victims of slavery. Previously, she advocated for the rights of women in Poland and Macedonia as well as the advancement of freedom of expression in Central Africa.
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