En janvier 2024, l’Éthiopie a présenté un rapport au titre de l’article 62 de la Charte africaine. Ce document combine les septième à dixième rapports de l’État, couvrant la période 2015-2023. Ce rapport aurait dû être examiné lors de la 81e session ordinaire de la Commission Africaine qui s’est tenue en octobre-novembre 2024, mais son examen a été reporté à la 83e session. Avant l’examen du rapport, ISHR a présenté un rapport de la société civile rédigé en collaboration avec plusieurs autres ONG, mettant en avant les récentes attaques menées contre les organisations de la société civile et appelant à mettre fin à la répression contre la société civile indépendante et les opposant·e·x·s au régime dans tout le pays.
Lors de la présentation de son rapport le vendredi 9 mai, l’Éthiopie a mis en avant les mesures prises pour améliorer la situation des droits humains sur son sol. S’agissant de la liberté d’expression et de l’accès à l’information, l’Éthiopie a indiqué avoir réformé le cadre juridique régissant les médias et la liberté d’expression. Pour ce qui est de la liberté d’association et de la liberté de réunion, l’État a souligné l’adoption d’une nouvelle loi sur les organisations de la société civile et l’établissement d’une nouvelle autorité compétente en la matière.
Après la présentation du rapport de l’Éthiopie, les membres de la Commission Africaine ont posé des questions à la délégation. Le Président de la Commission Africaine, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme et point focal sur les représailles en Afrique, Rémy Ngoy Lumbu, a notamment abordé les points suivants :
- 1) le mandat, la composition, le fonctionnement et les garanties d’indépendance de la nouvelle autorité d’encadrement des organisations de la société civile ;
- 2) l’assujettissement de la liberté de réunion à une règle de notification ou d’autorisation ;
- 3) les éventuelles restrictions à la liberté de réunion en Éthiopie, en particulier à la lumière de la répression exercée lors des manifestations pacifiques qui se sont tenues à Addis-Abeba, à l’occasion des sommets de l’Union Africaine ;
- 4) la prise en compte des Lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique énoncées par la Commission Africaine, notamment dans le cadre de la formation aux droits humains des personnels chargés de l’application de la loi ;
- 5) les mesures spécifiques prises pour protéger les défenseur·e·x·s éthiopien·ne·x·s contre la violation de leurs droits ;
- 6) l’adoption éventuelle d’une loi sur la protection des défenseur·e·x·s des droits humains, conformément aux recommandations adressées aux États membres par la Commission Africaine ;
- et 7) la réponse de l’Éthiopie à la lettre d’appel urgent rédigée par la Commission Africaine, à diverses déclarations publiques et aux conclusions de la commission d’enquête relative à la situation dans la région des Grands Lacs.
Le lundi 12 mai, l’Éthiopie a répondu aux questions de la Commission Africaine. Elle a affirmé sans détour qu’il n’existait « aucun problème majeur lié aux journalistes et aux défenseur·e·x·s des droits humains » dans le pays. Elle a également nié retenir en détention des personnes qui avaient critiqué le gouvernement, affirmant que ces personnes, à savoir des journalistes, des défenseur·e·x·s des droits humains et des politicien·ne·x·s, faisaient l’objet d’une enquête pour avoir instauré un climat de « violence » et commis des « crimes », « et non pour leurs activités politiques ».
L’Éthiopie a par ailleurs expliqué que la nouvelle autorité d’encadrement des organisations de la société civile était chargée d’enregistrer les organisations, de les aider dans leurs activités, de mener des recherches les concernant, de superviser leur dissolution, de prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, de gérer le fonds pour la société civile et de promouvoir le bénévolat. Le conseil d’administration de l’organisme est composé de 11 membres, dont des représentant·e·x·s de la société civile désigné·e·x·s par le gouvernement. L’État a affirmé que l’organisme avait pour mission de collaborer avec la société civile, et non pas d’exercer un contrôle excessif sur elle.
En ce qui concerne la liberté de réunion, l’Éthiopie a expliqué que la règle applicable était celle de la notification, et non de l’autorisation, et que « le droit à la liberté de réunion pacifique ne faisait l’objet d’aucune restriction en Éthiopie ». Elle a également expliqué que la formation des forces de police était conforme aux normes internationales en matière de liberté de réunion.
La délégation n’a pas répondu aux questions portant sur l’adoption d’une loi ou d’un mécanisme propre à la protection des défenseur·e·x·s des droits humains.