Commission Africaine | Examen périodique du Togo

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Dans le cadre de l’examen des rapports du Togo par la Commission Africaine, le Service International pour les Droits de l’Homme (sigle anglais ISHR) et la Coalition togolaise des défenseurs des droits humains ont enjoint au gouvernement togolais d’adopter des lois et des politiques permettant aux défenseur.es des droits humains de mener leur travail dans de bonnes conditions et de garantir la protection des femmes défenseures contre tout acte d’intimidation.

Selon l’Article 62 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, les États parties à la Charte doivent présenter un rapport bisannuel sur les mesures, et notamment les mesures législatives, qu’ils ont prises pour mettre en œuvre les droits et libertés reconnus et garantis par la Charte Africaine. Lors de la 63èmesession de la Commission Africaine, qui a débuté le 24 octobre 2018, les rapports de trois pays ont été examinés : l’Angola, le Botswana et le Togo. Ce dernier présentait ses sixième, septième et huitième rapports cumulés (2011-2016), qui ont été examinés le 30 octobre 2018.

Conjointement avec la Coalition togolaise des défenseurs des droits humains, ISHR a rédigé un document d’information sur la situation des défenseur.es des droits humains au Togo. Ce type de document vise à aider la Commission, et plus particulièrement les Commissaires, à formuler des recommandations à l’intention des gouvernements. Le texte en question enjoint au gouvernement togolais de lutter contre l’impunité et de renoncer à criminaliser les activités légitimes des défenseur.es des droits humains.

Dans le cadre de l’examen, Pr Rémy Ngoy Lumbu, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme également chargé des questions relatives au Togo, a déploré la restriction de l’espace de travail des défenseur.es et les difficultés qu’ils/elles rencontrent dans leur travail. Il a dénoncé la détention de militant.es et défenseur.es des droits humains dans les prisons togolaises sans jugement préalable et a demandé au Togo d’accélérer les procédures afin que les accusé.es prennent connaissance des accusations portées contre eux/elles et puissent être finalement libéré.es.

Évoquant la situation des défenseur.es, le Commissaire Rémy Ngoy Lumbu a regretté que le discours des autorités togolaises ne soit toujours pas favorable aux défenseur.es des droits humains, quand bien même l’État devrait être le premier garant de leurs droits. Il a conclu qu’à cet effet, le gouvernement togolais devait impérativement créer un environnement propice au travail des défenseur.es, dans tout le pays. Il a ainsi encouragé les autorités à engager un dialogue continu avec les ONG.

Au sujet de la liberté d’expression et de la répression contre les médias, il a mentionné la fermeture de La Chaîne du Futur (LCF) et de City FM, filiales du groupe Sud Média. Le gouvernement togolais a rétorqué que leur fermeture était légitime étant donné que ces chaînes émettaient sans autorisation. « Les gouvernements ont tout intérêt à laisser les médias s’exprimer librement. La réouverture de ces chaînes favorisera la diversité des sources d’informations, ce qui ne peut être que bénéfique pour le gouvernement », a déclaré Rémy Ngoy Lumbu.

Face aux cas de violence contre les personnes LGBTI rapportés par la Coalition togolaise, le gouvernement a répondu qu’il était conscient de la nécessité de protéger les droits des LGBTI dans le pays, mais a souligné l’absence de plaintes dans ce domaine et indiqué qu’il se devait d’assurer la stabilité de la société en s’abstenant d’imposer tout changement soudain, comme la dépénalisation des relations entre personnes de même sexe. L’absence de plaintes ne signifie pourtant pas l’absence de violence. Elle indique simplement que les personnes LGBTI n’osent pas porter plainte dans une société qui les juge et au sein d’un système qui les criminalise. 

En conclusion de l’examen des rapports de son pays, le ministre de la Justice et chef de la délégation togolaise, Pius Kokouvi Agbetomey, a remercié la Commission Africaine pour avoir permis au Togo de présenter ses rapports cumulés. Selon lui, cet examen constitue un bon moyen d’attirer l’attention du gouvernement sur les lacunes à combler et de lui permettre d’améliorer son fonctionnement. Après avoir réaffirmé la criminalisation des relations entre personnes de même sexe et confirmé plusieurs arrestations lors de manifestations dans le pays, il a déclaré, de façon tout à fait contradictoire, « accepter par avance toute recommandation qui serait faite au Togo et promettre que le pays serait un élève coopératif que l’on aurait l’occasion de féliciter à l’avenir ».

 

Le gouvernement a dû combiner plusieurs rapports car il avait pris du retard dans leur présentation. Il a promis de faire tout son possible à l’avenir pour soumettre ses rapports périodiques dans les délais. La Commission Africaine a conclu son examen en appelant le Togo à combler certaines des lacunes qui avaient été identifiées lors de la visite de la Commission dans le pays. M. Ngoy Lumbu a saisi cette occasion pour réitérer sa demande de visite au Togo afin d’aider le pays à résoudre au mieux les problèmes soulevés dans le cadre de l’examen.

À la lumière de ces déclarations, ISHR invite le gouvernement du Togo à :

  • élaborer des politiques et des programmes nationaux afin de sensibiliser les agent.es des services de maintien de l’ordre, des forces de sécurité et du système judiciaire aux questions relatives aux droits sexuels, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle et à la vulnérabilité des groupes LGBTI
  • mener sans délai des enquêtes indépendantes, transparentes et impartiales concernant les violations des droits humains commises depuis le 19 août 2017 par des agent.es de l’État ou des personnes proches du gouvernement en place dans le cadre de la répression de manifestations, comme des meurtres, des coups et blessures, et des disparitions ; et traduire les responsables allégué.es en justice, quel que soit leur grade ou leur fonction, conformément aux normes internationales

Photo: ACHPR

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