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Forum des ONG | La corruption qui grève le soutien financier reçu par l’Afrique pour la lutte contre la COVID-19 affecte les droits économiques, sociaux et culturels

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La pandémie de COVID-19 a non seulement causé de graves problèmes de santé, mais elle a également mis à mal les droits économiques, sociaux et culturels, en particulier du fait de la gestion financière de la pandémie. Les fonds d’urgence débloqués pour soutenir les États africains n’ont pas échappé au fléau de la corruption qui ravage toujours le continent.

Le 10 novembre 2020, le Forum des ONG a mené une discussion sur les droits économiques, sociaux et culturels affectés par la corruption qui grève le soutien financier reçu par l’Afrique pour la lutte contre la COVID-19. Précédemment, le 2 novembre, le Président de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, M. Solomon Ayele Dersso, et le Président du Conseil consultatif de l’Union Africaine sur la corruption, M. Begoto Miarom, avaient publié un communiqué de presse exprimant leur vive inquiétude quant aux incidents de corruption, toujours plus nombreux, qui se produisent sur le continent dans le contexte de la lutte contre la COVID-19. Le détournement des ressources financières allouées à l’action contre la pandémie au profit d’opportunistes cherchant à exploiter la crise compromet directement la protection des droits à la santé et à la vie. Il a toutefois été relevé que le problème de la corruption était antérieur à la pandémie de COVID-19, ce fléau privant le secteur de la santé d’environ 500 milliards de dollars chaque année dans le monde.

Au cours de la discussion, des experts ont présenté une analyse approfondie de la situation dans leurs pays respectifs.

Dans ses observations préliminaires, Japhet Biegon, coordonnateur régional des activités de plaidoyer chez Amnesty International, a expliqué que la pandémie de COVID-19 avait fait ressortir un autre problème majeur, celui de la corruption sur le continent. « La pandémie a montré à quel point cette pratique était enracinée dans nos sociétés et nos gouvernements. Du Zimbabwe à l’Afrique du Sud en passant par le Kenya et le Nigéria, les fonds d’urgence ont été détournés vers des personnes privées et n’ont donc pas pu financer les missions cruciales auxquels ils étaient initialement destinés. Et ce, dans le cadre même de la lutte contre la pandémie de COVID-19. »

Mourad Errarhib, membre du Conseil des droits de l’Homme du Maroc, a déclaré que la corruption constituait un virus en elle-même. Il a également indiqué que « la lutte contre la corruption lors de cette pandémie exigeait que les gouvernements soient tenus responsables de leurs actes à la fin de la crise. Nous nous assurerons que toutes les personnes impliquées dans des actes de corruption liés aux fonds pour la COVID-19 soient tenues responsables sans délai. La grande famille des défenseur.es des droits humains doit faire pression pour que les lois sur la corruption adoptées par les États soient mises en œuvre. » Il ne s’agit pas de créer des institutions, mais de faire appliquer la législation en vigueur pour veiller à ce que justice soit faite après la crise de la COVID-19.

La pandémie de COVID-19 a également confirmé les faiblesses des instances de l’administration publique en Afrique, révélées lors de la crise d’Ebola. Entre 2014 et 2016, environ 6 millions de dollars affectés à la lutte contre Ebola avaient été perdus en raison de fraudes et d’actes de corruption en Guinée et en Sierra Leone.

« Au Zimbabwe, le gouvernement s’était engagé à verser 5 000 dollars chaque mois au ministère du Développement social pour distribuer de la nourriture aux personnes pauvres et défavorisées. Malheureusement, cette nourriture ne leur est jamais parvenue. Ce sont les employé.es du ministère et leurs proches qui en ont bénéficié. En Zambie, le ministère de la Santé a reçu des tests et des masques, mais ne les a pas distribués à la population. Ses employé.es les ont vendus sur le marché noir », a rapporté Gregory Chifire du Réseau d’Afrique australe contre la corruption.

Au Kenya, en Zambie et en Ouganda, Diana Gichengo de la Commission des droits de l’Homme du Kenya a expliqué qu’outre la COVID-19, des affections telles que la diarrhée et le VIH s’étaient propagées, et que la santé procréative avait également été mise à mal. Dans la plupart des pays d’Afrique de l’Est, la majorité des enfants étaient à la maison sans accès à l’éducation. Les gens avaient perdu leur source de revenus, car la plupart des entreprises avaient fermé ou mis en place des mesures telles que des baisses de salaire ou des licenciements. Certaines familles avaient donc des difficultés à se procurer des biens de première nécessité. D’avril à juillet, on estime qu’environ 30 % de la population n’a pas pu payer son loyer et s’est retrouvée sans nulle part où aller, étant donné que la législation locale limitait les déplacements.

Malheureusement, la lutte contre la pandémie de COVID-19 s’est accompagnée d’une augmentation de la corruption sur le continent. Reconnaissant que cette pratique était antérieure à la crise de la COVID-19, les participant.es ont toutefois remarqué que la pandémie l’avait mise en évidence et avait montré comment des agent.es du service public pouvaient aller jusqu’à priver la population de ses droits, en particulier le droit à la santé.

Contact : Stéphanie Wamba, consultante chargée du plaidoyer pour l’Afrique, [email protected]

Photo: ISHR

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