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Niger, République démocratique du Congo, Soudan du Sud, Togo
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Forum des ONG : Violences sexistes, espace civique et bonne gouvernance dans les États fragiles d’Afrique

On the second day of the NGO Forum ahead of the 73rd session of the African Commission on Human and Peoples’ Rights (ACHPR), civil society discussed measures taken by crisis-stricken African States that hamper progress in fighting gender-based violence and shrink civic space.

Le 18 octobre, des porte-parole de la société civile ont participé à une table ronde afin d’évoquer les mesures prises par certains États africains frappés par des crises majeures et leur incidence négative sur l’espace civique, notamment la restriction de la liberté de la presse et le blocage des initiatives citoyennes pour tenir les gouvernements responsables de leurs actes et lutter contre les violences sexistes.

Les intervenant·es incluaient le journaliste Rodrigue Ahégo, dont le bimensuel Panorama a été interdit au Togo en 2020, Flora Stevens, responsable du pôle Protection de l’organisation Agir Ensemble Pour Les Droits Humains, et Bahati Rubango, qui soutient les défenseur·es des droits humains au sein de l’organisation SOS IJM, basée en République démocratique du Congo.

Lors de la table ronde, les intervenant·es ont abordé la question des États fragiles qui affrontent des périodes de crise (conflits, épidémies, etc.) et qui, du fait de problèmes de gouvernance ou de lois inefficaces, peinent à soutenir leurs populations et réagissent en limitant l’espace civique. Quatre pays ont été pris en exemple : le Togo, le Niger, le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo.

La liberté d’expression en péril au Togo

Rodrigue Ahégo a expliqué que son pays avait posé une série de jalons négatifs en Afrique de l’Ouest, établissant des modèles de coups d’État militaires, constitutionnels et électoraux. Selon lui, les problèmes de gouvernance du Togo remontent au coup d’État militaire de 1963, le premier de la région après l’accession à l’indépendance des pays d’Afrique de l’Ouest. Ce putsch a mené au règne de 38 ans de Gnassingbé Eyadéma, mort au pouvoir en 2005, et remplacé par son fils, Faure Gnassingbé, qui a fait amender l’ordre de succession constitutionnel pour devenir chef de l’État et, comme son père avant lui, s’est maintenu au pouvoir en manipulant les élections.

Selon M. Ahégo, la famille Gnassingbé a mis la liberté d’expression en péril au Togo, codifiant la restriction de cette liberté dans la loi. Les lois et instruments restrictifs comprennent le Code de la presse, qui interdit aux journalistes l’usage des médias sociaux et pénalise le délit de presse et d’opinion, une loi sur la cybercriminalité utilisée pour faire taire les opposant·es et les journalistes, et une loi sur la sécurité intérieure qui autorise les arrestations sans mandat et la confiscation d’effets personnels tels que les téléphones et les ordinateurs.

Niger et Soudan du Sud : des lois nationales remettent en cause les normes internationales

Selon Flora Stevens, le Niger et le Soudan du Sud ont adopté des lois qui limitent les libertés fondamentales alors qu’elles sont en contradiction avec leurs constitutions et leurs obligations internationales.

Au Niger, les autorités interdisent les manifestations de façon presque systématique et votent des lois qui entravent le travail des organisations indépendantes et des journalistes. Stevens a notamment mentionné un décret voté en février 2022 qui limite la création, les activités et le financement des organisations non gouvernementales, obligeant les ONG à obtenir des autorisations pour collecter des fonds et à aligner leurs activités sur les priorités du gouvernement. Ce décret permet au gouvernement nigérien de bloquer toutes les initiatives qu’il considère comme contraires à ses intérêts, comme les campagnes organisées par la société civile pour lutter contre la corruption.

Au Soudan du Sud, Flora Stevens estime que l’absence d’un mécanisme solide et opérationnel pour protéger les libertés et les droits fondamentaux constitue une menace majeure pour les défenseur·es des droits humains. Elle ajoute que les conditions de sécurité dans le pays demeurent très préoccupantes : des membres des médias et des organisations de la société civile sont régulièrement arrêté·es et leurs bureaux perquisitionnés, et les manifestations publiques sont arbitrairement interdites.

République démocratique du Congo : la paix reste encore à bâtir pour les femmes congolaises

Bahati Rubango a abordé la question des violences sexuelles et sexistes en République démocratique du Congo, qu’il a qualifiée de « pays du viol ». Selon lui, le Congo est marqué par les agissements de groupes armés qui pèsent sur tout le monde, mais en particulier sur les femmes.

Ces groupes sont constitués de milices locales et de factions étrangères cherchant à s’imposer aux frontières et dans les régions avoisinantes. Outre l’armée congolaise, les troupes de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) jouent un rôle militaire important. Active depuis 1999, la MONUSCO est la plus ancienne force de maintien de la paix de l’ONU.

En dépit de nombreuses tentatives de dialogue, les conflits persistent, exposant les civils, et particulièrement les femmes et les enfants, à de graves violations des droits humains, y compris « les viols et les agressions sexuelles apparemment systématiques qui seraient commis par toutes les forces de combat », comme le souligne un rapport de l’ONU de 2010.

Rubango a appelé à mettre fin à l’impunité des violences sexuelles et sexistes, exhortant le pays à mettre en œuvre un mécanisme de justice transitionnelle efficace afin d’aider les victimes à obtenir vérité et justice et à initier la réforme des institutions dont le pays aurait tant besoin.

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