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Guyane française : l'ONU exhorte la France à respecter les droits des peuples autochtones face à un projet controversé de centrale électrique

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a appelé la France à respecter les revendications de la communauté amérindienne Kali'ña du village Prospérité, qui conteste l’emplacement d'une centrale électrique qui les prive de l’accès à leurs terres.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies a publié une lettre exprimant formellement sa préocupation auprès du gouvernement français concernant la construction d’une centrale électrique en Guyane française qui bafoue les droits du peuple  autochtone Kali’ña du village de Prospérité, situé à proximité du projet.

Connu sous le nom de Centrale électrique de l’Ouest Guyanais (CEOG), le projet de centrale est en construction depuis novembre 2022 sur un terrain à moins de 2 kilomètres du village. Sa construction a entraîné  le déboisement de plus de 70 hectares d’une forêt dont dépendent les habitants de Prospérité pour leur subsistance et dans laquelle ils pratiquent la chasse, la pêche et l’agriculture.

Dans une lettre adressée aux représentants français à l’ONU à Genève, le Comité se dit « préoccupé » par le fait « qu’il n’y aurait pas eu de consultation ni de consentement libre, préalable et éclairé du peuple Kali’ña avant l’approbation du projet », ainsi que par les allégations de «recours excessif à la force par les forces de l’ordre, de détention, de poursuites judiciaires et de condamnations pénales à l’encontre de dirigeants et de membres du peuple Kali’ña ».

Le Comité dit également que ces allégations pourraient constituer « un manquement aux obligations de l’État partie énoncées dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et une atteinte aux droits des peuples autochtones qui sont protégés par la Convention », et il demande à la France de « fournir des informations » sur ces allégations d’ici au 26 juin.

Datée du 26 avril et publiée dans la nuit du 1er mai, la lettre du Comité survient quelques semaines après que le chef coutumier de Prospérité, Roland Sjabere, ait sollicité un recours urgent aux Nations Unies afin que les autorités françaises mettent fin à  la construction de la centrale électrique sur  son emplacement actuel.

Déposé le 15 mars par l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane française (ONAG) et l’International Service for Human Rights (ISHR), ce recours visait à signaler au  CERD l’absence de consentement et le non respect du protocole de consultation du peuple Kali’na concernant  la localisation précise du projet dans une forêt d’une importance culturelle et économique majeure pour le village de Prospérité. Ceci constitue un acte de discrimination en vertue de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale – ratifiée par la France le 28 juillet 1971.  

“L’interpellation de la France par le Comité est une victoire pour le peuple  Kali’ña et pour toutes les personnes qui nous ont apporté leur soutien dans notre lutte pour préserver nos terres et nos traditions”, a réagi le chef coutumier Roland Sjabere.

“Les autorités ne peuvent pas réfuter ce que nous voyons tous les jours sur le terrain : elles doivent mettre un terme aux travaux de la CEOG, trouver un nouvel emplacement, et cesser de faire la sourde oreille face aux revendications des peuples autochtones”, a déclaré la Clarisse Da Silva militante au sein du collectif autochtone opposé au projet.

“Nous exhortons les autorités françaises à coopérer avec le Comité et à prendre toutes les mesures nécessaires pour résoudre les tensions de longue date autour du village Prospérité et répondre aux griefs raisonnables de ses habitants”, a déclaré Madeleine Sinclair, co-directrice des bureaux à New York d’ISHR.

Depuis que le projet CEOG a été rendu public en 2019, les habitants de Prospérité et leurs alliés se sont opposés à la construction de la centrale électrique sur ce terrain – insistant sur le fait qu’ils ne s’opposent pas à la construction de la centrale en tant que telle, mais à son emplacement.

Des incidents répétés ont eu lieu entre les forces de l’ordre et les membres de la communauté amérindienne  qui ont manifesté contre le projet. Cela inclut l’arrestation du chef Roland Sjabere en octobre 2022, ainsi que les arrestations et poursuites contre des dizaines de participants, souvent mineurs, qui manifestaient à proximité  du chantier en novembre 2022.

C’est  la deuxième fois que le CERD est amené à interpeller la France sur l’impact de projets industriels sur les lieux de vie des peuples autochtones de Guyane française. 

En octobre 2018, une précédente requête en alerte rapide déposée par l’ONAG avait conduit le Comité à sommer le Gouvernement français  de respecter le consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones impactés par le projet minier “Montagne d’or”, financé par une multinationale russo-canadienne.

Le Président de la République française, Emmanuel Macron, a finalement annoncé l’abandon du projet en mai 2019, trois jours avant les élections européennes.

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