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La France parmi 41 États cités pour représailles contre des activistes des droits humains dans un rapport de l'ONU

Un rapport de l’ONU a identifié des dizaines d’attaques, de menaces et d’actes d’intimidation de la part d’États contre des personnes ou des groupes défendant des droits humains pour avoir collaboré avec les organes de l’ONU. Parmi les cas nouvellement cités, celui d’Assa Traoré en France.

Le rapport annuel du Secrétaire général de l’ONU sur les représailles a une nouvelle fois montré jusqu’où certains États sont prêts à aller pour faire taire ou intimider les voix critiques de la société civile. Les Nations Unies citent 41 pays comme étant responsables d’actes d’intimidation et de représailles avec des individus ou de groupes ayant cherché à coopérer avec ses organes. La majorité des cas ont déjà été inclus dans des rapports précédents et demeurent non résolus.

Parmi les nouveaux cas figure celui d’Assa Traoré, défenseure des droits humains et fondatrice du groupe La Vérité pour Adama. Traoré milite pour la vérité et la justice pour son frère, Adama Traoré, un jeune Français noir tué alors qu’il était garde à vue en 2016 (1).

Assa Traoré et son organisation ont coopéré à plusieurs reprises avec des organes de l’ONU pour plaider en faveur d’une enquête transparente afin d’établir la responsabilité des policiers dans la mort de son frère et pour que ces derniers soient traduits en justice. Ceci comprend la soumission d’un rapport au Haut-Commissaire aux droits de l’homme en 2020, la présentation d’une déclaration commune lors de la 49e session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en mars 2022, et une prise de parole lors de l’examen de la France par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) en novembre 2022.

La participation d’Assa Traoré à la réunion du CERD a suscité des réactions virulentes en ligne, notamment de la part de cercles d’extrême droite et de syndicats de policiers, s’ajoutant à des années d’acharnement judiciaire de la part des procureurs de l’État, ainsi qu’à l’inaction persistante des autorités face aux campagnes diffamatoires contre elle, sa famille et leurs soutiens. Les pressions sur Assa Traoré ont également eu un impact négatif considérable sur toutes les autres familles qui souhaitent s’exprimer et demander justice pour les crimes et les actes de violence commis par la police.

« Les autorités françaises doivent mettre fin aux tentatives judiciaires et politiques visant à criminaliser et discréditer Assa Traoré, demander des comptes aux responsables et garantir sa sécurité et sa capacité à mener à bien son travail légitime en faveur des droits humains », a déclaré Salma El Hosseiny, responsable de programmes pour ISHR. « La France, membre en exercice du Conseil des droits de l’homme cherchant à être réélu, ne peut pas continuer à éluder ses problèmes manifestes et profondément enracinés en matière de droits humains. Cela inclut le racisme systémique et l’impunité pour les violences policières. Les autorités ne peuvent pas continuer de ne pas garantir les droits des militants qui cherchent à aborder ces questions à l’ONU », a souligné El Hosseiny.

La France figure parmi les six États cités dans le rapport sur les représailles qui briguent également un siège au Conseil des droits de l’homme. Des élections pour cet organe sont prévues pour le 10 octobre.

« Le système des droits humains de l’ONU ne peut pas fonctionner si les défenseur·e·x·s et les organisations de la société civile sont empêché·e·x·s de lui fournir des informations cruciales », a souligné Madeleine Sinclair, co-directrice des de bureaux d’ISHR à New York. « Tous les États qui prétendent à une place au sein du principal organe des droits humains de l’ONU devraient être exemplaires et faire pression en faveur de la participation pleine et sans entrave des acteurs de la société civile à tous les débats internationaux sur les droits humains. »

Cette année, le rapport coïncide avec un sombre anniversaire : les dix ans de l’arrestation de la militante chinoise Cao Shunli. Cao, une défenseure des droits humains et avocate, a été arrêtée par les autorités chinoises à l’aéroport de Pékin en septembre 2013 alors qu’elle tentait de se rendre à Genève pour assister à une session du Conseil des droits de l’homme. Cao est décédée en détention en mars 2014 après avoir été privée de nourriture et de soins médicaux adéquats. Elle aurait été torturée et maltraitée tout au long de sa détention. À ce jour, aucun responsable n’a eu à rendre de comptes pour son décès.

« Le dixième anniversaire de la mort de Cao Shunli est un rappel tragique des risques auxquels les défenseur·e·x·s peuvent se confronter au moment de coopérer avec les mécanismes des droits humains de l’ONU. Il demeure une absence totale de reddition de comptes, tandis que le harcèlement du gouvernement chinois à l’encontre des défenseur·e·x·s pour leur travail en faveur des droits humains reste incessant », a déclaré Raphaël Viana David, responsable de programmes sur la Chine pour l’ISHR.

Le rapport du Secrétaire général sera débattu au Conseil des droits de l’homme lors d’un dialogue interactif entre les États et le Sous-Secrétaire général aux droits de l’homme, les 28 et 29 septembre prochains. ISHR fait campagne pour attirer l’attention sur cinq cas de représailles dans diverses régions, dont certains sont inclus dans ce rapport. Il s’agit de Kadar Abdi Ibrahim (Djibouti), Vanessa Mendoza Cortés (Andorre), Anexa Alfred (Nicaragua), Maryam al-Balushi et Amina al-Abduli (Émirats arabes unis), ainsi que ceux des organisations de la société civile ciblées par la loi sur la « sécurité nationale » de Hong Kong

ISHR exhorte les États à s’exprimer sur ces cas devant le Conseil des droits de l’homme et d’autres organismes multilatéraux et à faire pression sur les gouvernements pour qu’ils les résolvent.


(1) Contexte: À la suite du meurtre de George Floyd en mai 2020, le Conseil des droits de l’homme a demandé au Haut-Commissaire de faire rapport chaque année sur le racisme systémique et les violations du droit international des droits de l’homme contre les Africains et les personnes d’ascendance africaine par les forces de l’ordre, ce qui contribuerait à responsabilité et réparation pour les victimes. Le Haut Commissariat a souligné le cas d’Adama Traoré comme « illustrant les difficultés rencontrées pour rechercher rapidement la vérité et la justice dans les cas de décès d’Africains et de personnes d’ascendance africaine alors qu’ils étaient en garde à vue ». Le 5 octobre, le Haut-Commissaire présentera son rapport 2023 au Conseil, qui illustre l’impunité persistante pour la mort d’Adama et les représailles contre Assa.

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