Les 16 et 17 avril 2025, le Comité des Nations Unies contre la torture (le Comité) a procédé à l’Examen périodique de la France. ISHR a soutenu la participation d’Assa Traoré et du Comité Vérité pour Adama.
Assa Traoré est une défenseure des droits humains et fondatrice de « La Vérité pour Adama ». Elle milite depuis des années pour la vérité et la justice pour son frère, Adama Traoré, un Français Noir tué en garde à vue en 2016. Elle a été victime de harcèlement judiciaire pour avoir plaidé en faveur d’une enquête transparente visant à établir la responsabilité des gendarmes dans la mort de son frère et à ce qu’ils soient traduits en justice.
ISHR et le Comité Adama souhaitaient attirer l’attention du Comité sur la question des violences policières, en se concentrant sur le cas d’Adama Traoré, ainsi que les conclusions de l’enquête et les procédures qui y ont été liées.
Demande de comptes et établissement des responsabilités
Le 19 juillet 2016, Adama Traoré, un Français Noir, est décédé des suites de son arrestation par les gendarmes. Le classement sans suite de l’affaire par la justice française, malgré le lien de causalité reconnu entre les agissements des trois gendarmes impliqués et le décès d’Adama, constitue un déni de justice. Les trois policiers ont finalement été exonérés de toute responsabilité pénale, au motif que la force employée contre Adama Traoré répondait aux critères de stricte nécessité et de proportionnalité imposés par le droit français.
ISHR et le Comité Adama ont alerté le Comité sur le fait que le décès d’Adama s’inscrit dans un contexte plus large d’usage excessif de la force contre les personnes d’ascendance africaine et de pratiques racistes systémiques en France, soulignant le manquement de l’État français à ses obligations de garantir le droit à la non-discrimination et le droit à la vie.
ISHR et le Comité Adama ont exhorté le Comité à soulever le cas d’Adama Traoré lors du dialogue interactif avec la France et à demander à la France de fournir des informations au Comité sur les mesures qu’elle a prises pour conclure l’enquête sur le cas de la mort d’Adama lors de son arrestation, afin que les responsables soient traduits en justice et purgent une peine de manière appropriée.
ISHR et le Comité Adama ont exhorté le Comité à formuler des recommandations à la France pour :
- mettre fin au recours à des techniques de contention telles que le plaquage ventral lors des opérations de police
- garantir l’accès à la justice aux victimes de violences policières et à leurs familles
- respecter ses obligations au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, notamment en ce qui concerne les dispositions des articles 2, 11, 12 et 14
- mettre fin à l’impunité des violences policières et garantir des enquêtes rapides et impartiales sur les décès ou blessures de toute personne aux mains de la police.
Le Comité contre la torture préoccupé par l’issue du procès d’Adama Traoré
Lors du dialogue avec la France, le Comité a indiqué avoir reçu des informations inquiétantes concernant un recours excessif à la force par la police, ayant entraîné des décès. Ces préoccupations avaient déjà été soulevées par le Comité des droits de l’Homme et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Ces deux organes ont exprimé leur inquiétude quant au recours excessif à la force lors des contrôles routiers, des arrestations et dans le cadre de manifestations, et ont souligné que les personnes d’origine africaine, d’origine arabe, les peuples autochtones et les personnes migrantes sont particulièrement touchés par ce recours excessif à la force par la police.
Le Comité a également exprimé son inquiétude quant à l’impunité des cas de recours excessif à la force par les forces de l’ordre et a évoqué le décès d’Adama Traoré, un jeune homme d’origine africaine décédé en 2016 après son arrestation, sans que personne n’ait été tenu responsable.
Impact de l’intervention de « La Vérité pour Adama » et d’ISHR
Dans ses observations finales, le Comité a déclaré qu’il « demeure profondément préoccupé par les nombreuses allégations de recours excessif à la force et de mauvais traitements, y compris de violences physiques et verbales, commis par des agents des forces de l’ordre, notamment lors de contrôles routiers, d’arrestations, d’évacuations forcées et de manifestations. Il juge préoccupant que ces cas, selon certaines informations, touchent de manière disproportionnée des membres de certains groupes minoritaires, notamment les personnes d’ascendance africaine, d’origine arabe ou de confession musulmane, les peuples autochtones et les non-ressortissant·e·x·s. Il est particulièrement préoccupé par le nombre de décès résultant de l’utilisation d’armes à feu par des agents des forces de l’ordre lors de contrôles routiers. » Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état du classement sans suite d’un grand nombre d’affaires, de sanctions administratives qui ne sont ni sévères ni proportionnelles à la gravité des faits et de l’incapacité des tribunaux à punir les policiers et les gendarmes, comme l’illustrent les affaires de décès d’Adama Traoré, Luis Bico et Nahel Merzouk, pour lesquelles personne n’a été tenu responsable.
Le Comité a recommandé à la France de :
- 29. a) reconsidérer et, si nécessaire, modifier le cadre juridique régissant l’usage de la force par les forces de l’ordre afin de le rendre compatible avec les Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, le Guide des Nations Unies sur les armes à létalité réduite dans le cadre du maintien de l’ordre et le Protocole type à l’intention des responsables de l’application des lois pour la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le contexte des manifestations pacifiques
- 29. b) veiller à ce que tous les agents des forces de l’ordre reçoivent une formation spécifique et adéquate sur l’usage de la force et des armes à feu, conformément aux normes internationales susmentionnées, et qu’ils suivent régulièrement des cours de recyclage
- 29. c) veiller à ce que toutes les allégations de recours excessif à la force et de mauvais traitements fassent l’objet d’une enquête rapide, approfondie et impartiale menée par un organe indépendant, à ce qu’il n’existe aucun lien institutionnel ou hiérarchique entre les enquêteurs/rice·e·x·s et les auteurs présumés, à ce que les auteurs soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, punis, et à ce que les victimes ou leurs familles obtiennent réparation
- 29. d) réexaminer si les forces de l’ordre devraient être autorisées à utiliser des armes à létalité réduite, en particulier des grenades assourdissantes et des lance-projectiles, pour contrôler les foules lors des manifestations
- 29. e) prendre les mesures nécessaires pour que tous les agents des forces de l’ordre puissent être facilement identifiés dans l’exercice de leurs fonctions, notamment en veillant à ce que leur numéro d’identification individuel soit visible et porté systématiquement
- 29. f) fournir des données statistiques complètes et ventilées sur les plaintes ou les signalements de violence et de recours excessif à la force, sur les enquêtes disciplinaires ou judiciaires impliquant la police ou la gendarmerie, sur les poursuites, les condamnations et les sanctions, ainsi que sur les décisions de classement sans suite
- 29. g) veiller à ce que les allégations de profilage racial par les forces de l’ordre fassent l’objet d’enquêtes systématiques et approfondies, à ce que les auteurs, s’ils sont reconnus coupables, soient dûment punis et à ce que les victimes reçoivent une réparation adéquate
- 29. h) mettre en place un moyen efficace de faciliter le contrôle judiciaire et le traçage des contrôles d’identité effectués par les forces de l’ordre afin d’identifier les cas de profilage racial.
Dans le cadre de sa procédure de suivi, le Comité a inclus sa recommandation sur l’usage excessif de la force par la police et la gendarmerie 29 f) et a donc demandé à la France de fournir, avant le 2 mai 2026, des informations sur les mesures prises pour donner suite à ses recommandations.