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Opinion

Les droits humains, un investissement pour l’avenir

Une chronique de Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT, Santiago Canton, secrétaire général de la Commission internationale des juristes, et Phil Lynch, directeur exécutif du Service international pour les droits de l'Homme. Cette chronique a d'abord été publiée dans la Tribune de Genève.

C’est la fin du monde tel que nous le connaissons – la chanson de R.E.M. nous vient à l’esprit en regardant les nouvelles d’alliances et de lois brisées, conçues pour apporter sécurité, stabilité et prospérité. Une vague d’anxiété déferle sur la «Genève internationale», déclenchée par les coupes budgétaires américaines. Les gouvernements, les institutions et les ONG prétendent à une normalité qui n’existe plus. La capitulation préventive s’est ancrée dans le secteur privé, certaines entreprises suisses ayant supprimé toute référence à la diversité et à l’inclusion de leurs sites web.

Investissement

La chanson continue «et tout ira bien». Une phrase ironique qui envisage un monde s’effondrant face à ses actions et inactions égoïstes. Nous assistons à une véritable attaque contre les valeurs des droits humains et la coopération multilatérale. Au lieu d’accroître leur investissement politique et financier dans les droits humains, des États tels que les Pays-Bas, la Suisse, la Suède, la France, l’Allemagne, la Belgique et le Royaume-Uni réduisent leur financement, ouvrant les portes et les fenêtres de leur maison en pleine tempête.

Genève

L’impact est énorme pour les ONG et les communautés qu’elles soutiennent. Les militant·e·x·s locaux·ales sont contraint·e·x·s d’arrêter leur travail et sont à risque, car les dirigeants autoritaires sont enhardis à étouffer la dissidence. En contraste avec les coupes budgétaires, nous recevons jusqu’à 50% de demandes de protection et de soutien de plus. Ces coupes sont une attaque contre Genève elle-même. C’est à Genève que le monde prend position: c’est là que la torture, la discrimination, la persécution politique et les disparitions trouvent leurs limites.

Réduire la Genève internationale à une bureaucratie est une erreur et une vision à court terme. Pourquoi un silence radio de la part des gouvernements, y compris de Berne? N’est-il pas évident que le recul du multilatéralisme crée un vide que d’autres exploiteront? N’est-il pas évident que le manque d’investissement dans les droits humains accélérera les conflits, et les flux migratoires? Les risques ne sont-ils pas évidents pour la prospérité en Suisse lorsque l’État de droit est remplacé par la loi des dirigeants, lorsque la diplomatie est de l’intimidation?

Droits humains

Le système des droits humains a été construit pour nous protéger. Il est né des cendres de l’effondrement des règles et d’atrocités indicibles. Ne revenons jamais là-bas. Le soutien pour les droits humains, politique ou financier, est un investissement pour un monde juste et sûr. La guerre de la Russie contre l’Ukraine est un exemple de répression alimentant l’agression extérieure. Peut-être aurions-nous pu éviter des dépenses de sécurité que la guerre rend maintenant nécessaires s’il y avait eu plus tôt des investissements dans les droits humains et des sanctions pour les violations en Russie.

Les temps changent et nous devons nous aussi innover et évoluer, diversifier les modèles de financement, collaborer davantage pour une véritable alliance de Genève pour les droits humains. Il est temps pour nous tous·x·tes de défendre ce qu’elle représente – État, canton, ville, organisations et fondations – dans un nouveau «contrat social» ou un partenariat public/privé. Pour nos organisations, nées et établies à Genève depuis cent cinquante ans au total, nous croyons fermement que si le monde change, ce n’est que la fin du monde tel que nous le connaissons si nous le laissons faire.
 
Cette chronique a d’abord été publiée dans la Tribune de Genève.

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