Lors de l’examen, en octobre, du quatrième rapport périodique de la RDC sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, José Manuel Santos Pais, expert du Comité des droits de l’Homme, a attiré l’attention de ce dernier sur le projet de loi sur la protection des défenseur.es des droits humains. « Selon les informations que nous avons reçues, le projet de loi tel qu’il a été discuté à l’Assemblée nationale est plutôt néfaste pour la protection des défenseur.es des droits humains », a t-elle noté. Dans leurs recommandations, les expert.es de l’ONU demandent que la RDC ouvre une enquête, poursuive et condamne les individus responsables de harcèlement, de menaces et d’intimidation envers les défenseur.es des droits humains.
Clément Voule, directeur du plaidoyer pour l’Afrique au Service International pour les Droits de l’Homme (sigle anglais ISHR), se félicite des commentaires du Comité des droits de l’Homme et de la recommandation y relative faite à la RDC. « Il est important que toute loi nationale pour la protection des défenseur.es des droits humains soit conforme à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme et permette la création d’un environnement juridique non restrictif, favorable au travail des défenseur.es “, dit Clément Voule.
Comme le souligne une récente déclaration publique d’ISHR, le projet de loi sur la RDC, dont l’objectif est de protéger les défenseur.es des droits humains, contient des dispositions qui constituent une menace réelle pour leur reconnaissance et leur travail légitime. S’il est adopté en sa forme actuelle, il limitera et entravera le travail des défenseur.es.
En effet, plusieurs dispositions du projet de loi de la RDC vont expressément à l’encontre de la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme. Ainsi, par exemple, l’article 2 de la loi ne protège que les défenseur.es des droits humains qui travaillent dans des structures formelles et organisées, alors que la Déclaration indique clairement qu’est défenseur.e toute « personne qui individuellement ou en association avec d’autres, œuvre à la promotion ou à la protection des droits de l’homme ». Les articles 3 et 7 quant à eux, précisent que les défenseur.es des droits humains doivent être membres d’une ONG, âgé.es d’au moins 18 ans, titulaires d’un diplôme d’État et avoir suivi une formation en matière de droits humains dispensée par une ONG, conditions excessives, discriminatoires et en violation des instruments internationaux des droits humains.
Vincent Ploton, directeur du développement et du plaidoyer auprès des organes de traités chez ISHR, souligne que les préoccupations du Comité des Droits de l’Homme autour du projet de loi sur les défenseur.es sont un signal clair que la République Démocratique du Congo doit réviser cette loi et éliminer les dispositions qui sont contraires à la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme.
« En tant que nouveau membre du Conseil des droits de l’Homme, la plus haute instance des Nations Unies pour la promotion et la protection des droits humains, la RDC doit montrer l’exemple en adoptant une loi protectrice conforme à la Déclaration des Nations Unies, et en répondant aux attentes et aux besoins de protection des défenseur.es congolais.es. Elle doit également mettre en place un mécanisme de protection efficace nécessaire à l’application de cette loi », explique Clément Voule d’ISHR.
ISHR exhorte les parlementaires congolais.es à réviser le projet de loi afin d’assurer une protection juridique inconditionnelle et la reconnaissance des défenseur.es des droits humains. En adoptant la loi en l’état, la RDC porterait préjudice aux droits des défenseur.es et s’isolerait des autres pays de la région qui ont adopté des lois pour la protection des défenseur.es des droits humains.
Les préoccupations d’ISHR sur le projet de loi de la RDC sur les défenseur.es seront discutées avec les principaux acteurs/rices nationaux/ales dans le cadre d’une consultation régionale sur les lois de protection des défenseur.es en Afrique centrale. Cette consultation, organisée les 13 et 14 décembre par ISHR et ses partenaires – le Réseau des Défenseurs des Droits Humains (REDHAC), la Commission nationale des droits humains de la RDC, SOS IJM et le Bureau des droits de l’Homme de l’ONU à Kinshasa – bénéficiera de la participation de Rémy Ngoy Lumbu, tout nouveau Rapporteur spécial de la Commission Africaine sur les défenseur.es des droits humains.
Photo: ISHR