Les 26 et 28 octobre 2022, lors de sa 73e session ordinaire, la Commission Africaine a examiné le rapport combiné de la République islamique de Mauritanie couvrant la période 2018-2021 . La délégation mauritanienne était composée de Cheikh Ahmedou Sidi, Commissaire aux droits de l’Homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile, de Harouna Traoré, chargé de mission à la Présidence de la République, et de Mohamed Ould Ali Telmoudi, conseiller du Premier ministre en charge des droits humains.
En amont de la 73e session ordinaire de la Commission Africaine, ISHR, Minority Rights Group International, SOS-Esclaves, Association des Femmes Chefs de Famille (AFCF) et Anti-Slavery International ont présenté un rapport de la société civile en vue de l’examen de la situation des défenseur·es des droits humains en Mauritanie.
Le document d’information enjoignait au gouvernement de :
- Respecter le droit des individus et des organisations de la société civile à la liberté d’expression et de réunion et honorer les engagements pris dans la feuille de route pour éradiquer l’esclavage afin de soutenir l’action de la société civile
- Mettre fin à toutes les formes d’intimidation et de représailles contre les défenseur·es des droits humains qui coopèrent avec le système africain des droits humains
- Faciliter l’accès à la Mauritanie pour les représentant·es d’ONG des droits humains
- Adopter et mettre en œuvre un cadre juridique qui garantit un environnement favorable aux défenseur·es des droits humains, ainsi que la protection et la promotion de leurs droits
- Mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires des défenseur·es des droits humains et des blogueurs·euses
- Modifier et abroger les dispositions et lois qui restreignent les droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion pacifique, en particulier le Code pénal, la loi sur la cybercriminalité de 2016 et la loi relative à la lutte contre le terrorisme de 2010
La délégation de Mauritanie a profité de l’occasion pour évoquer plusieurs mesures positives prises par le gouvernement pour protéger les droits de ses citoyen·nes par le biais de l’adoption de la loi n° 2018-023 du 21 juin 2018 pénalisant la discrimination, qui internalise les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et de la loi n° 2015-031 du 10 septembre 2015, portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes.
Dans le cadre de l’examen, les commissaires ont accueilli avec satisfaction la présentation du rapport combiné du gouvernement de Mauritanie. Ils·Elles ont cependant souligné que le rapport soumis par la République islamique de Mauritanie n’était pas conforme aux procédures et directives de déclaration établies par la Commission. En effet, le rapport ne couvre qu’un instrument sur trois, à savoir la Charte Africaine, et ne tient compte ni de l’article 26 du Protocole de Maputo ni de l’article 14 de la Convention de Kampala.
La rapporteure pour la Mauritanie, Maya Sahli-Fadel, a salué la présentation du rapport et les efforts réalisés dans le pays. Elle a par ailleurs voulu savoir si la Mauritanie prévoyait de déposer la déclaration d’acceptation de la compétence de la Cour africaine de justice afin que les citoyen·nes et les organisations de la société civile puissent y avoir accès. Elle a relevé que le rapport ne couvrait pas la période 2014-2017 et ne faisait pas mention des mesures prises pendant la pandémie de COVID-19.
Concernant la liberté d’expression et l’accès à l’information, la Commissaire Litha Musyimi-Ogana s’est inquiétée de l’augmentation des propos haineux tenus en ligne et a demandé si des mesures étaient prises pour garantir aux citoyen·nes de Mauritanie un accès facile à Internet.
Le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme et Président de la Commission Africaine, Rémy Ngoy Lumbu, a demandé à la Mauritanie de fournir davantage d’informations sur la situation des défenseur·es des droits humains dans le pays ainsi que sur les mesures prises pour appliquer les lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique. « La liberté de réunion est-elle protégée par la Constitution mauritanienne ? La Mauritanie prévoit-elle d’adopter une loi sur la protection des défenseur·es et, plus particulièrement, des défenseur·es qui œuvrent pour les droits des femmes ? Quelles mesures ont par ailleurs été prises pour soutenir les femmes défenseures des droits humains ? », a demandé M. Lumbu.
En conclusion de l’examen, le chef de la délégation mauritanienne a précisé que les 100 000 cas présumés d’esclavage ne reflétaient en rien la réalité du terrain et que la Mauritanie restait favorable à toute visite de la part des mécanismes de la Commission Africaine.
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