Photo: ISHR (edited)

Opinion

C'est à nous de créer un avenir où les droits sont respectés

Montée de l’autoritarisme. Crise climatique qui s’accélère. Conflits persistants caractérisés par des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il est difficile d’affronter 2025 avec autre chose qu’un sentiment de peur, d’inévitabilité et de désespoir. Pourtant, ce sont précisément les sentiments compréhensibles auxquels nous devons résister !

L’autoritarisme se nourrit de l’insécurité. Les entreprises sans scrupules s’appuient sur des consommateurs et des investisseurs indifférents. Et les responsables d’atrocités criminelles sont enhardis par un sentiment d’impunité.

Face aux turbulences, les valeurs fondamentales d’ISHR – notamment une approche des droits humains fondée sur des principes, la solidarité avec les défenseur·e·x·s des droits humains, des partenariats respectueux et favorisant un partage du pouvoir, et un engagement en faveur de la diversité, de la transparence et de la responsabilité – deviennent des outils de navigation essentiels. Guidé·e·x·s par ces valeurs, nous poursuivrons sans relâche notre mission de soutien aux défenseur·e·x·s des droits humains dans leur travail pour la liberté, l’égalité et la justice, tout en restant dynamiques et en adaptant nos tactiques à un monde incertain et en évolution rapide. Et notre action collective avec vous, nos partenaires, fera progresser les droits humains.

Faire face aux défis

Dans les années à venir, nous nous attendons à une série de défis, tout en restant convaincu·e·x·s qu’un avenir plus juste, plus pacifique et plus durable auquel aspirent les défenseur·e·x·s est possible.

Le premier défi est de résister à l’érosion du droit international des droits humains. L’application sélective et discriminatoire des normes relatives aux droits humains par certains acteurs étatiques et non étatiques compromet l’universalité des droits, ainsi que la crédibilité et l’influence de celles et ceux qui se livrent à de telles pratiques de deux poids, deux mesures. Les droits humains sont également érodés lorsque le langage des droits et des intérêts tels que le développement et la sécurité nationale est instrumentalisé pour justifier des violations et des restrictions arbitraires et disproportionnées, notamment en ce qui concerne les droits des femmes, des peuples autochtones, des personnes LGBTIQ+ et les droits environnementaux. L’engagement d’ISHR est de promouvoir une approche cohérente et fondée sur des principes en matière de droits humains pour toutes les personnes, partout dans le monde, sans discrimination et sans “deux poids, deux mesures”.

Un deuxième défi consiste à faire progresser l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits humains, à la fois en tant que partie intégrante du droit à un recours effectif et parce que l’impunité permet de nouvelles violations. ISHR s’engage à soutenir les défenseur·e·x·s des droits humains qui documentent, dénoncent et promeuvent l’obligation de rendre des comptes au niveau international pour les violations graves, et qui sont fréquemment pris·e·x·s pour cible en raison de ce travail essentiel. En partenariat avec les défenseur·e·x·s, nous promouvrons, encouragerons et soutiendrons l’action du Conseil des droits de l’Homme et d’autres organes visant à établir les responsabilités pour les crimes d’ atrocité, notamment en Afghanistan, en Chine, en Israël/Palestine, en Russie/Ukraine, au Soudan et au Venezuela. Nous poursuivrons nos efforts pour veiller à ce que les organismes internationaux de défense des droits humains, ainsi que les mécanismes internationaux de justice et d’obligation de rendre des comptes, soient sûrs et accessibles, et à ce que toute personne puisse coopérer avec ces organismes sans aucune forme d’intimidation, de représailles ou de sanctions.

Un troisième défi est celui de l’insuffisance des ressources et de la baisse des investissements dans les droits humains. Le système des droits humains de l’ONU reste chroniquement sous-financé, tandis que de nombreux gouvernements et fondations philanthropiques réduisent leurs investissements dans le mouvement international des droits humains, précisément au moment où des ressources accrues sont les plus nécessaires. Si elle se poursuit, cette réduction des investissements accélérera non seulement l’érosion des droits et réduira les perspectives de responsabilisation pour les violations graves, mais créera également une opportunité pour des acteurs plus néfastes – à la fois des États et des ONG organisées ou contrôlées par des gouvernements – d’intervenir, de racheter, de coopter et de contrôler complètement le système. Au cours des dernières années, le terme « enshitiffication » a été largement utilisé pour décrire le déclin des plateformes en ligne, les intérêts des consommateurs et des autres parties prenantes étant entièrement subvertis en faveur de la recherche de profits. Ce terme pourrait également être utilisé pour décrire l’érosion et la décadence du système international des droits humains et potentiellement du mouvement des droits humains si les intérêts des défenseur·e·x·s des droits humains, ainsi que des victimes et des survivant·e·x·s de violations, continuent d’être éclipsés dans la poursuite d’une politique populiste.

Monter une contre-offensive

Si 2024 a été une année où nous avons résisté à la régression, 2025 doit être l’année où nous montons une contre-offensive ambitieuse en matière de droits humains, dont le succès sera étayé par un certain nombre d’éléments :

  • Une vision partagée : Nous devons réaffirmer avec force que le respect des droits humains universels et de l’État de droit est indispensable à un monde juste, équitable et pacifique, et que le travail des défenseur·e·x·s des droits humains est essentiel pour réaliser effectivement les droits pour toute personne, partout.
  • Une large base de soutien et un engagement en faveur de la coopération : nous devons construire des coalitions intersectionnelles fortes et diversifiées. Nous devons inviter toute personne qui partage un engagement envers les valeurs de liberté, de dignité, d’égalité, de solidarité et de justice à rejoindre le mouvement. Notre engagement en faveur de la coopération doit être multiforme. Nous devons collaborer au sein de la société civile, assurer la protection contre les représailles des personnes qui coopèrent avec l’ONU, et exiger la bonne foi et une coopération substantielle des États avec les organes de défense des droits humains et les mécanismes de justice internationale, y compris la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.
  • La conviction que nous pouvons gagner : aucune grande avancée n’a jamais été réalisée sans ambition et une conviction audacieuse que la victoire est possible. Les récentes défaites, contre toute attente, de candidats puissants mais manifestement non qualifiés au Conseil des droits de l’Homme, y compris la Russie et l’Arabie saoudite, en témoignent.
  • Une ligne de front bien financée et protégée : Les défenseur·e·x·s des droits humains sont en première ligne, faisant pression pour une avancée des droits humains et résistant à la régression des droits. Iels doivent bénéficier de la reconnaissance et de la protection juridiques, ainsi que du soutien financier et politique, qui sont nécessaires à cette œuvre vitale.
  • Les bonnes personnes à la table des négociations : En complément de leur travail sur le terrain, les défenseur·e·x·s des droits humains se tournent de plus en plus vers le système international des droits humains pour obtenir justice, reconnaissance de responsabilité et solidarité. Nous nous engageons à soutenir l’accès et la participation des défenseur·e·x·s aux forums multilatéraux, en veillant à ce qu’iels puissent parler de leur propre voix, partager leur propre expertise, exprimer leurs propres revendications et façonner des solutions informées, prises en charge et dirigées par la communauté.
  • Une utilisation intelligente des outils et des tactiques : Nous avons le droit international des droits humains de notre côté. Il s’agit d’un outil puissant pour promouvoir la liberté et la justice, pour prévenir et résoudre les crises et les conflits, et pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les violations et les abus. Nous devons maintenir son intégrité et son efficacité en le déployant selon des principes et en nous prémunissant contre son instrumentalisation ou sa cooptation. Nous devons également continuer à élaborer des normes en matière de droits humains, notamment par le biais d’initiatives normatives telles que la Déclaration +25 et la campagne visant à codifier le crime d’apartheid de genre, ainsi que par le biais de litiges stratégiques et de plaidoyer aux niveaux national, régional et international. Avec la Déclaration +25 qui articule la base juridique actuelle sur la protection des défenseur·e·x·s, il est possible de s’appuyer sur une jurisprudence révolutionnaire sur le droit de défendre les droits.
  • Un plan de communication efficace : Nous devons raconter notre propre récit de manière convaincante, en luttant contre la désinformation et en amplifiant les discours convaincants centrés sur les défenseur·e·x·s des droits humains, en faisant valoir que le respect des droits humains nous élève tous et toutes et qu’il ne s’agit pas d’un jeu à somme nulle. Nous devons donner une vision et l’espoir d’un avenir plus équitable, plus juste et plus durable.
  • Des ressources et des sources dapprovisionnement durables : Nous ne gagnerons pas et ne pourrons pas survivre avec des rations de famine. Nous avons besoin dinvestisseurs gouvernements, fondations, entreprises et particuliers pour nous rejoindre et créer les ressources qui nous permettent dêtre durables, innovants et percutants. Cet investissement doit être fait dans la société civile aux niveaux national, régional et international, ainsi que dans le système international des droits humains, vers lequel les défenseur·e·x·s de première ligne se tournent de plus en plus lorsque la justice et lobligation de rendre des comptes sont refusées au niveau national. La réalisation des droits humains offrira un retour sur investissement inégalé.
  • Résilience et régénération : Pour faire progresser les droits humains, il faut souvent s’attaquer au pouvoir, aux privilèges et aux préjugés. Cela exige de la persévérance et de la détermination. Cela peut également comporter des risques. Nous avons besoin de partenaires – financiers, diplomatiques et individuels – qui s’engagent à long terme en faveur des droits humains et qui sont prêts à prendre des risques et à tirer des leçons en cours de route. Notre activisme doit être durable et régénérateur. Nous devons donner la priorité à la solidarité et au fait de prendre soin de soi aux niveaux personnel et de la communauté, et célébrer les petites victoires qui ouvrent la voie à tout succès majeur en matière de droits humains.
  • Être le changement : Enfin, nous devons être le changement, en pratiquant et en projetant les valeurs de diversité, d’équité, d’inclusion et de responsabilité, tant au sein du mouvement des droits humains qu’à l’extérieur. La sagesse d’Eleanor Roosevelt qui déclarait en 1958 que l’avancée des droits humains commence tout près de chez soi sonne tout aussi vraie aujourd’hui.

Passer à l’action pour un avenir plus juste

En faisant le bilan de l’année 2024, nous célébrons les nombreuses avancées auxquelles nous avons contribué avec votre soutien – la formation et le partenariat avec plus de 1 000 défenseur·e·x·s des droits humains pour mettre en oeuvre le changement sur le terrain, la création de coalitions et le soutien des mécanismes internationaux sur des questions telles que la justice raciale, les droits des femmes, des personnes LGBTIQ+ et des peuples autochtones, ainsi que la situation en Afghanistan, Chine, Israël/Palestine, Russie/Ukraine, Soudan, Yémen et Venezuela, entre autres.

Dans le même temps, nous déplorons les violations flagrantes qui se poursuivent et exprimons notre solidarité avec les défenseur·e·x·s des droits humains dans chacun de ces contextes. Nous appelons la communauté internationale à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes, rendre justice aux victimes et faire en sorte que les auteurs de violations rendent des comptes.

En ce début 2025, avec votre soutien, nous nous engageons à renforcer notre travail avec les défenseur·e·x·s, en leur permettant de dénoncer les injustices, de demander des comptes, de rechercher la solidarité internationale et d’aider à façonner des solutions venant du terrain aux multiples crises auxquelles l’humanité est confrontée. Nous vous invitons à agir dès maintenant pour un avenir plus juste, que ce soit en partageant nos ressources de formation et d’information, en amplifiant nos messages sur les réseaux sociaux, en faisant un don ou une contribution en nature, ou en participant à nos campagnes. Chacune de vos actions fait la différence.

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