African Commission on Human and Peoples' Rights

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Conclusions de la 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

La 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui s’est tenue à Arusha, en République-Unie de Tanzanie, du 20 octobre au 9 novembre 2023, est désormais achevée. Au cours de cette session, la Commission africaine a renouvelé son bureau. Elle a accueilli les déclarations solennelles des membres nouvellement élu·e·x·s et des membres réélu·e·x·s, et a présenté différents documents et bulletins.

Cette session de la Commission africaine a été marquée par un excellent taux de participation. Un total de 1 663 délégué·e·x·s y ont assisté, dont : 214 représentant·e·x·s d’État de 28 pays, 20 représentant·e·x·s d’organes de l’Union africaine (UA), cinq représentant·e·x·s de communautés économiques régionales, 23 représentant·e·x·s d’organisations internationales et intergouvernementales, 138 représentant·e·x·s d’institutions nationales des droits de l’Homme (INDH), 1 101 représentant·e·x·s d’organisations non gouvernementales africaines et internationales, 107 observateur·rice·x·s et 55 représentant·e·x·s des médias.

Cérémonie d’ouverture

Au nom du Comité directeur du Forum des organisations non gouvernementales (ONG), Hanna Foster a indiqué que la célébration de l’anniversaire de trois instruments clés en matière de droits humains, à savoir les 75 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, les 20 ans du Protocole de Maputo sur les droits des femmes en Afrique et les 25 ans de la Déclaration de l’ONU sur les défenseur·e·x·s des droits humains, offrait une bonne occasion de passer en revue les obstacles rencontrés et les progrès réalisés en matière de protection des droits humains sur le continent. Elle a ajouté que les participant·e·x·s au Forum des ONG qui a précédé l’ouverture officielle de la 77e session ordinaire avaient mis en avant l’omniprésence des conflits, le rétrécissement continu de l’espace civique et la fracture numérique observés en Afrique. Iels ont demandé que les entreprises soient tenues responsables de leurs actes et que les parties prenantes renforcent leur collaboration.

S’exprimant au nom des États parties à la Charte africaine, Albert Fabrice Puela, ministre des Droits humains de la République démocratique du Congo (RDC), a noté le recul de la protection des droits humains en Afrique, notamment dans le contexte des conflits en RDC et au Soudan du Sud, la montée du terrorisme en Libye et dans d’autres pays, les effets néfastes du changement climatique, les catastrophes naturelles au Maroc et en Libye et le manque d’accès à l’eau, entre autres problèmes, et a appelé à l’unité d’action. Il a toutefois relevé plusieurs avancées sur le plan normatif en RDC permettant la mise en œuvre de mécanismes de justice transitionnelle qui donneront accès à la justice aux victimes de violations flagrantes des droits humains et leur permettront d’obtenir réparation.

S’exprimant au nom du président de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, Robert Eno a rappelé aux participant·e·x·s que la responsabilité collective de défendre les droits humains incombait à tout le monde et a souligné la nécessité d’une complémentarité efficace entre la Cour africaine et la Commission africaine. Il a déploré le faible nombre d’affaires transférées à la Cour par la Commission alors que ce processus est explicitement prévu dans les traités, le très faible nombre d’individus autorisés à accéder directement à la Cour africaine et l’incapacité des États à mettre en œuvre les décisions de la Cour.

Déclarations solennelles et nouveau bureau

Selma Sassi-Safer, membre nouvellement élue, et Rémy Ngoy Lumbu, Hatem Essaiem et Maria Teresa Manuela, qui ont été réélu·e·s pour un nouveau mandat de six ans, se sont solennellement engagé·e·s à s’acquitter de leurs fonctions en toute impartialité et loyauté.

La Commission s’est réunie en session privée pour renouveler son bureau. Le président, Rémy Ngoy Lumbu, a été réélu pour un nouveau mandat de deux ans tandis que Janet Ramatoulie Sallah-Njie a été élue vice-présidente. Elle remplace Maya Sahli-Fadel, dont le mandat s’est achevé cette année. Selma Sassi-Safer reprend les attributions de Maya Sahli-Fadel et devient Rapporteure spéciale sur les réfugiés, les demandeurs d’asile, les personnes déplacées et les migrants en Afrique et Rapporteure pour la Libye, le Niger, le Sénégal et la Tunisie.

Tables rondes et présentation de documents

Au cours de la session, douze tables rondes ont été organisées sur différents thèmes. L’objectif général était de renforcer la protection et la promotion des droits des personnes et des peuples sur le continent. La table ronde relative à la ratification du Protocole à la Charte africaine sur la protection sociale en Afrique, adopté en février 2022, visait à mieux faire connaître ce protocole aux participant·e·x·s, et notamment aux représentant·e·x·s des États, et à démontrer la pertinence de sa ratification. Elle a également été l’occasion de présenter l’observation générale no 7 récemment adoptée sur les obligations des États en matière de fourniture de services sociaux en vertu de la Charte africaine. Une autre table ronde a porté sur la première version de l’étude menée par la Commission africaine au sujet des répercussions du changement climatique sur les droits humains. Les intervenant·e·x·s ont appelé les différentes parties prenantes à faire part de leurs commentaires et à soumettre leurs contributions à l’étude, actuellement consultable sur le site Web de la Commission africaine

La Commission africaine a également présenté une série de nouveaux documents. Élaborés par différents mécanismes, ces documents visent à présenter les activités en cours ou à fournir des informations approfondies sur des questions précises liées à la protection et à la promotion des droits des personnes et des peuples en Afrique. Les documents suivants ont été présentés : 

  1. Principes directeurs africains relatifs aux droits de l’Homme de tous les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile
  2. Étude sur les réponses africaines à la migration et la protection des droits des migrants
  3. Étude sur l’usage de la force par les responsables de l’application des lois en Afrique
  4. Bulletin d’information à l’occasion des 20 ans du Protocole de Maputo : Célébration des 20 ans du Protocole à la Charte africaine des droits de la femme en Afrique
  5. Rapport sur la jurisprudence relative a l’article 5 de la Charte africaine par le Comité pour la prévention de la torture en Afrique
  6. Lettre d’information du Comité pour la prévention de la torture en Afrique
  7. Lettre d’information du Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme

Dans sa lettre d’information, Rémy Ngoy Lumbu, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme, se penche sur la situation des défenseur·e·x·s dans les cinq sous-régions africaines et met en lumière le sort critique de certains individus, comme celui de l’avocat Thulani Maseko, éminent défenseur des droits humains de l’Eswatini brutalement assassiné en début d’année. M. Lumbu a recommandé aux États de garantir la protection des défenseur·e·x·s conformément à la Charte africaine et à la Déclaration de l’ONU sur les défenseur·e·x·s, et a souligné la nécessité d’adopter une déclaration africaine sur la protection des défenseur·e·x·s. Lors de la présentation, Corlett Letlojane, directrice générale de l’Institut sud-africain des droits de l’Homme (HURISA), a dressé un sombre tableau de la situation des défenseur·e·x·s des droits humains en Afrique.

« Alors que les lois promettent liberté d’action et absence de représailles aux défenseur·e·x·s des droits humains, les États créent un environnement délétère pour leurs activités. Les défenseur·e·x·s sont qualifié·e·x·s d’agents étrangers et soupçonné·e·x·s de vouloir déstabiliser les régimes en place, et les libertés d’association et de réunion continuent d’être entravées malgré les normes que la Commission a établies pour aider les États à protéger ces droits », a-t-elle observé.

Rapports d’activité des membres de la Commission

Les membres de la Commission ont présenté leurs rapports d’intersession, détaillant les activités menées dans le cadre de leurs fonctions de membres de la Commission, de rapporteur·e·x·s de pays et de titulaires de mandats au titre de mécanismes spéciaux. ISHR a fait deux déclarations (voir ici et ici) après que le président du Groupe de travail sur les industries extractives, l’environnement et les violations des droits de l’Homme en Afrique (WGEI) et le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme et point focal sur les représailles ont présenté leurs rapports.

Dans son rapport, Solomon Ayele Dersso, président du Groupe de travail sur les industries extractives, cite les nombreuses initiatives qu’il a menées pour appeler l’attention sur les Lignes directrices et principes de l’établissement des rapports d’État en vertu des articles 21 et 24 de la Charte africaine relatifs aux industries extractives, aux droits de l’Homme et à l’environnement. Dans sa déclaration, ISHR a réaffirmé la nécessité d’adopter un instrument sur les droits environnementaux en Afrique et a renouvelé son appel au WGEI pour amorcer l’élaboration d’un tel instrument.

De son côté, Rémy Ngoy Lumbu, Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme, a indiqué que les actes de représailles étaient toujours très fréquents en Afrique et qu’ils pouvaient prendre différentes formes. Dans sa déclaration, ISHR a exprimé de vives préoccupations quant à la situation des défenseur·e·x·s des droits humains (DDH) et au rétrécissement de l’espace civique en Afrique. L’ONG a notamment examiné la situation en Angola et au Zimbabwe, deux pays ayant adopté des lois qui limitent la capacité des défenseur·e·x·s à mener leurs activités librement.

Examen des rapports d’État

Deux États ont présenté leurs rapports périodiques à la Commission africaine en vertu de l’article 62 de la Charte africaine. L’Ouganda a présenté un rapport couvrant la période 2013-2022 et a mis en avant les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Protocole de Maputo, conformément à l’article 26 de cet instrument. L’Érythrée a, pour sa part, présenté un rapport couvrant la période 2017-2020. La Commission a examiné ces rapports et entamé un dialogue constructif avec les représentant·e·x·s des deux États sur différents thèmes relatifs à la protection et à la promotion des droits des personnes et des peuples dans ces pays. 

Statut d’observateur des ONG

Au cours de la session, la Commission africaine a accordé le statut d’observateur à neuf organisations non gouvernementales (ONG). L’une d’entre elles, la National Coalition of Human Rights Defenders Uganda, œuvre en faveur de la protection et de la promotion des droits des défenseur·e·x·s en Ouganda et s’efforce de créer des coalitions à l’échelon national. Quatre ONG ont vu leur demande de statut rejetée : trois d’entre elles ne possédaient pas de bureaux en Afrique et la quatrième bénéficiait d’un statut diplomatique non conforme aux critères de la Commission pour l’octroi du statut d’observateur. ISHR s’est néanmoins inquiétée du fondement juridique de la décision de rejeter ces quatre demandes et a appelé la Commission africaine à adopter une pratique inclusive quant à l’octroi du statut d’observateur. À ce jour, la Commission a accordé le statut d’observateur à 561 ONG.

Résolutions relatives à des pays particuliers et résolutions thématiques

La Commission africaine a adopté une résolution de pays et six résolutions thématiques, dans l’ordre suivant :

  1. Résolution sur la situation des droits de l’Homme et la crise humanitaire causée par le conflit armé en cours en République du Soudan
  2. Résolution sur l’engagement de la CADHP à accompagner les États dans la recherche de solutions durables en vue de réduire et de mettre fin aux déplacements forcés des personnes et leurs conséquences en Afrique
  3. Résolution sur la nécessité d’entreprendre une étude évaluant le degré de conformité des législations nationales avec les Lignes directrices sur la liberté d’association et de réunion en Afrique
  4. Résolution sur le déploiement de la surveillance de masse et illégale des communications ciblées et son impact sur les droits de l’Homme en Afrique
  5. Résolution sur la nécessité de protéger l’espace civique et la liberté d’association et de réunion en Afrique
  6. Résolution sur la nomination d’un point focal sur l’indépendance judiciaire en Afrique
  7. Résolution sur les critères d’octroi et de maintien du statut d’observateur aux organisations non gouvernementales en charge des droits de l’Homme et des peuples en Afrique

Prochaine session

Dans son communiqué final, la Commission a indiqué que sa 78e session ordinaire privée se tiendrait en ligne, du 23 février au 8 mars 2024. Elle s’est engagée à publier de plus amples informations à ce sujet sur son site Web.