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Conclusions du Forum des ONG précédant la 81e session de la Commission Africaine

Les participant·e·x·s au Forum des ONG qui s’est tenu à Banjul, en Gambie, ont discuté des problèmes fondamentaux de droits humains et de démocratie qui touchent le continent et nuisent au travail des défenseur·e·x·s, et ont proposé des solutions. Le Forum s’est conclu par l’adoption de résolutions et de recommandations.

Du 13 au 15 octobre 2024, des membres d’organisations de la société civile qui collaborent étroitement avec la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ont assisté en personne au Forum des ONG, menant des discussions autour du thème choisi par l’Union Africaine pour 2024 : « Éduquer l’Afrique du XXIe siècle : construire des systèmes éducatifs résilients pour promouvoir l’accès à un apprentissage inclusif, qualitatif et pertinent tout au long de la vie ».

Lors du Forum, 16 groupes de travail ont travaillé sur des thèmes liés à la protection des droits humains et 14 groupes d’intérêt ont élaboré des recommandations à l’intention de la Commission Africaine. 

Le Forum des ONG demeure un important baromètre pour les sessions de la Commission Africaine et a ouvert la voie à divers événements désormais menés en amont de la session ordinaire de la Commission.
Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission Africaine

Une situation préoccupante en matière de droits humains et de démocratie

Dans leurs remarques liminaires, les intervenant·e·x·s ont rappelé l’importance de la présence d’organisations de la société civile dynamiques aux côtés des personnes dont les droits sont bafoués, dans un contexte de crises sociopolitiques de plus en plus graves, de représailles contre les défenseur·e·x·s des droits humains et de persécution des groupes sociaux.

Tout en soulignant le rôle central de la paix dans la quête de la démocratie, Solomy Bossa, présidente du Centre africain d’études sur la démocratie et les droits humains, a rappelé la nécessité pour les gouvernements de ne pas diviser les ONG et de ne pas les considérer comme des agents étrangers.

Maximilienne Ngo Mbe, membre du Comité directeur du Forum des ONG et directrice exécutive du Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale (REDHAC), a indiqué que les conflits en cours dans plusieurs pays africains, les changements anticonstitutionnels de gouvernement et le terrorisme affectaient négativement le droit à l’éducation de nombreux enfants, appelant l’ensemble des parties prenantes à s’assurer que toute la jeunesse est pleinement incluse dans le système éducatif.

Dawda Jallow, procureur général et ministre de la Justice de Gambie, a insisté sur le fait que, pour assurer une protection efficace des droits humains, il convenait de mettre un terme aux conflits armés, à l’insécurité, au terrorisme, à la montée du fondamentalisme, à la quasi-démocratie, à l’autoritarisme et aux agressions extérieures qui touchent différents pays d’Afrique.

La situation périlleuse des défenseur·e·x·s des droits humains

Intervenant·e·x·s et participant·e·x·s ont appelé les États et la Commission Africaine à œuvrer à améliorer les conditions de travail des défenseur·e·x·s des droits humains en Afrique. Les défenseur·e·x·s, notamment les journalistes, continuent de faire l’objet d’intimidations, d’arrestations et de surveillance, tandis que les cadres réglementaires sont utilisés pour rogner les droits des ONG.

En Afrique centrale, les défenseur·e·x·s des droits humains, en particulier les femmes et les personnes qui militent pour les droits civils et politiques, font l’objet de menaces et de représailles, d’arrestations et de détentions arbitraires. Cette situation est exacerbée par des menaces de procès inéquitables. Depuis la levée du moratoire sur la peine de mort en RDC, les activistes qui militent en faveur de l’abolition sont pris·e·x·s pour cible. Maximillienne Ngo Mbe a appelé le gouvernement congolais à abroger les dispositions pénales qui créent un mauvais précédent et risquent d’être utilisées pour criminaliser les activités des défenseur·e·x·s alors que le pays a adopté une loi pour les protéger. En Afrique de l’Est et dans la corne de l’Afrique, la suppression généralisée de l’espace civique, l’instabilité politique et les restrictions d’accès à Internet affectent les conditions de travail des défenseur·e·x·s des droits humains.
Ces tendances répressives n’épargnent pas l’Afrique du Nord où l’utilisation des lois antiterroristes par les gouvernements pour agresser les défenseur·e·x·s est préoccupante. Les pouvoirs publics cherchent à intimider les défenseur·e·x·s ou les soumettent à des représailles. Naji Moulay Lahsen a appelé les pays du Nord à actualiser leurs lois en matière de liberté de réunion et d’association afin de les aligner sur les normes internationales en matière de droits humains.

En Afrique de l’Ouest, marquée par le terrorisme et la militarisation des gouvernements, l’espace civique est également restreint. Alors que les défenseur·e·x·s du Burkina Faso vivent sous la menace constante de se faire enrôler dans l’armée ou mettre en prison, les défenseur·e·x·s du Mali doivent obtenir une carte professionnelle pour mener leurs activités. Pire encore, en Côte d’Ivoire, une campagne récente intitulée « Zéro woubi en Côte d’Ivoire » prend pour cible les personnes LGBTIQ+ et piétine leurs droits fondamentaux tout en entravant le travail des personnes qui s’emploient à défendre les droits de ces communautés.

En Afrique australe, la répression menée en Eswatini et au Zimbabwe touche les défenseur·e·x·s par le biais, notamment, d’accusations motivées par des considérations politiques et fondées sur des lois répressives. En Angola, l’adoption de lois restrictives et le manque de coopération entre les institutions d’État et la Commission Africaine montrent que la situation des défenseur·e·x·s n’est pas en voie de s’améliorer.

Déclaration +25 : articuler les normes internationales sur le droit de défendre les droits

Au cours d’une discussion thématique sur la Déclaration +25, complément à la Déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme fondé sur le droit international et élaboré avec des défenseur·e·x·s et des expert·e·x·s juridiques, les participant·e·x·s ont reconnu la valeur normative et interprétative de ce texte. Alors que certains pays africains travaillent à l’élaboration de lois nationales sur les défenseur·e·x·s, les participant·e·x·s ont estimé qu’il était essentiel de veiller à ce que ces lois s’alignent sur les principes énoncés dans la Déclaration et son complément +25. De même, la Commission Africaine doit également veiller à ce que la Déclaration africaine sur les défenseurs des droits de l’Homme s’appuie sur le contenu de la Déclaration +25. 

En outre, la Commission Africaine devrait intégrer des références à la Déclaration +25 dans ses travaux quotidiens et renforcer sa coopération avec la société civile et les États parties sur la base de ce cadre. Les institutions nationales des droits de l’Homme peuvent également contribuer à populariser la Déclaration +25 au niveau national et veiller à ce que leurs stratégies en matière d’espace civique et de protection des défenseur·e·x·s des droits humains se fondent sur les principes de la Déclaration +25 afin d’appuyer, à l’échelle nationale, une démarche respectueuse des droits humains. En conclusion, les participant·e·x·s ont suggéré que, bien que certains gouvernements puissent rejeter la Déclaration +25 comme n’étant pas contraignante, une action juridique cohérente aux niveaux national, sous-régional et régional pouvait favoriser d’importantes discussions judiciaires fondées sur la Déclaration +25, en particulier dans le domaine des droits humains.

Résolutions et recommandations 

Les participant·e·x·s au Forum des ONG ont adopté des résolutions relatives à des pays particuliers, des résolutions thématiques et deux recommandations (tous ces liens sont en anglais). Ces recommandations portaient respectivement sur l’indépendance du système judiciaire en Afrique et sur la nécessité d’organiser une mission conjointe d’établissement des faits au Soudan. 

Résolutions relatives à des pays particuliers

  • Résolution sur la promotion et la protection des défenseur·e·x·s des droits humains et de l’espace civique et contre la peine de mort en République démocratique du Congo
  • Résolution sur la situation des défenseur·e·x·s des droits humains et de l’environnement en Ouganda
  • Résolution sur la situation des défenseur·e·x·s des droits humains et l’espace civique au Zimbabwe
  • Résolution sur la situation des défenseur·e·x·s des droits humains et la gouvernance démocratique en Guinée
  • Résolution sur la situation des défenseur·e·x·s des droits humains et la gouvernance démocratique en Tunisie
  • Résolution sur l’espace civique en Angola 
  • Résolution condamnant le recours inutile et excessif à la force contre des manifestant·e·x·s non armé·e·x·s au Kenya
  • Résolution sur la situation des droits humains en Égypte 
  • Résolution sur la répression de l’opposition politique et des défenseur·e·x·s des droits humains en Tanzanie
  • Résolution sur l’espace civique au Cameroun

Résolutions thématiques

  • Résolution sur l’éducation aux droits humains dans les pays lusophones 
  • Résolution sur la sécurité et ses conséquences en matière d’éducation en Afrique centrale
  • Résolution sur le droit à la paix et à la sécurité 
  • Résolution sur la dépénalisation des délits mineurs 
  • Résolution sur les disparitions forcées
  • Résolution sur les changements anticonstitutionnels de gouvernement
  • Résolution sur la Zone de libre-échange continentale africaine et les droits humains
  • Résolution sur la nécessité d’une étude au sujet de la pertinence d’un cadre sur les défenseur·e·x·s des droits environnementaux en Afrique

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