Dans le cadre du Forum des ONG s’est tenue le 10 juillet une table ronde sur le thème « Faire taire les armes en Afrique » à l’occasion du 20ème anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU portant sur le rôle des femmes dans la prévention et la résolution des conflits, les négociations de paix, la consolidation de la paix, l’assistance humanitaire et la reconstruction post-conflit. Elle visait à réfléchir aux répercussions de la COVID-19 sur la mise en œuvre du thème choisi par l’Union Africaine (UA) pour 2020 et sur les femmes, la jeunesse, la paix et la sécurité en Afrique. Les difficultés rencontrées par les femmes dans les zones de conflit ont fait l’objet d’une attention particulière et des recommandations sur la protection des femmes et des personnes vulnérables ont été faites aux États.
Dans ses observations préliminaires, le modérateur M. Patrice Vahard, Représentant de la Haute-Commissaire aux droits de l’Homme en Guinée, a commencé par saluer les participant.es, remercier les organisateurs/rices et souligner l’importance d’une action synergique dans la réussite du Forum. Il a ensuite souligné que « l’UA avait le pouvoir de faire taire les armes et de créer les conditions nécessaires à un développement plus durable. Ainsi, nous ne devons pas simplement œuvrer au développement de certains droits spécifiques, mais de tous les droits. Et par-dessus tout, humaniser notre réponse à la COVID-19. »
Corlett Letlojane, directrice générale de l’Institut sud-africain des droits de l’Homme, a évoqué les difficultés rencontrées par les femmes en ces temps de crise. L’année 2020 est la dernière année de la décennie des femmes africaines qui vise à promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes afin de donner aux femmes un rôle plus important dans les processus décisionnels. Dans ce cadre, chaque État membre de l’UA a pour mission de cerner les différents problèmes rencontrés par les femmes dans la gestion des conflits. Ils doivent également veiller à intégrer la violence sexiste dans les mesures adoptées et impliquer les femmes dans la gestion des conflits, la recherche et la mobilisation des ressources dans le contexte de la COVID-19.
Parallèlement aux femmes, les groupes vulnérables, les enfants, les réfugié.es et d’autres minorités doivent également être pris en compte. Les États doivent développer de nouvelles stratégies pour garantir le respect des droits des femmes. Toutefois, ces dernières ne doivent pas se contenter du statut de victimes, mais se montrer plus actives et résolues à faire valoir leurs droits. Les mesures prises par les gouvernements pour lutter contre la COVID-19 (par exemple, le confinement) ont aggravé les difficultés financières des femmes liées aux dépenses quotidiennes. On a par ailleurs noté une explosion des violences sexistes pendant la période de confinement. La frustration ressentie par certains hommes s’est malheureusement traduite par les coups. La COVID-19 n’étant pas prête de disparaître, nous devons nous adapter.
« Nous encourageons les femmes à lutter pour leur autonomie à l’échelle régionale et internationale, et à ne pas se considérer que comme des victimes. Selon nos informations, seuls 30 États membres de l’UA ont, à ce jour, mis en place des plans d’action. Nous invitons donc ceux qui ne l’ont pas encore fait à s’engager à leur tour dans cette voie », a ajouté Mme Letlojane.
Bineta Diop, Envoyée spéciale de l’Union Africaine pour les femmes, la paix et la sécurité, a souligné les conséquences de la COVID-19 sur la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le virus a créé une situation sans précédent. Alors que les États cherchent à protéger les vies humaines contre le virus, les droits humains des citoyen.nes doivent également être défendus. Pour affronter la crise, les pays africains ont pris des mesures qui ont miné les droits humains fondamentaux de leurs citoyen.nes. À l’occasion des 20 ans de l’adoption de la résolution 1325 et, plus largement, dans le cadre du Programme d’action de Beijing, nous devons prendre le temps de la réflexion afin d’examiner la manière dont nous mettons en œuvre ou devrions mettre en œuvre cet instrument.
Il faut rappeler que cet instrument, émanant du Conseil de sécurité de l’ONU, promeut le rôle important joué par les femmes dans la prévention et la résolution des conflits ainsi que dans la consolidation de la paix. Il est également incorporé dans des instruments africains des droits humains essentiels comme le Protocole de Maputo, dont l’article 10 stipule ce qui suit : « Les femmes ont droit à une existence pacifique et ont le droit de participer à la promotion et au maintien de la paix. »
« Malgré l’évolution du covid-19 reconnue par tous, l’impératif de protéger les droits humains des femmes et de préserver leur dignité a été limité pendant la pandémie et les mesures prises par les États membres telles que le confinement et l’état d’urgence ont freiné/ralenti la mise en œuvre de l’agenda de paix et de sécurité ». Le 27 avril 2020, Bineta Diop et son équipe ont publié une déclaration soulignant l’incidence de la pandémie sur les femmes et les enfants, en particulier dans les zones de conflit.
« Il n’existe aucun endroit sûr en Afrique où accueillir les survivant.es et nous exigeons que les responsables rendent des comptes. Dans le contexte de la COVID-19, nous devons maintenir l’état de droit, malheureusement inexistant dans de nombreux endroits. Les femmes vivant dans des camps de réfugié.es ou déplacées dans leur propre pays sont également touchées », a-t-elle ajouté.
« Pour l’UA, faire taire les armes est une condition sine qua none à la survie sur notre continent. Il ne s’agit pas d’une simple campagne, mais d’un investissement majeur pour l’Afrique », a conclu Patrice Vahard, Représentant de la Haute-Commissaire aux droits de l’Homme en Guinée.
Contact : Stéphanie Wamba, consultante chargée du plaidoyer pour l’Afrique, [email protected]
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