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Genève érigera un monument en l'honneur des défenseur·e·x·s des droits humains, dont Cao Shunli

Les autorités locales genevoises ont annoncé leur intention d'ériger un monument public permanent rendant hommage aux défenseur·e·x·s des droits humains victimes de persécutions, y compris la défunte défenseure chinoise Cao Shunli. Cette décision fait suite à une pétition de la société civile demandant qu'un buste réalisé en l'honneur de Cao soit placé en public.

Le Conseil administratif de Genève, l’organe exécutif de la ville, a annoncé son intention d’accueillir un monument public qui rendrait hommage à « la mémoire des militantes et militants des droits humains et les causes universelles qu’elles et ils incarnent ».

Cette décision fait suite à une demande officielle de 16 organisations de la société civile, dont ISHR, visant à ce qu’un buste en bronze de la militante Cao Shunli soit placé dans un endroit bien en vue à proximité du siège des Nations Unies.

Dans une communiqué publié le 25 avril, le Conseil Administratif a fait valoir qu’il ne serait pas possible d’ériger des monuments individuels pour toutes les personnes ayant subi des persécutions et qu’il chercherait donc à honorer collectivement les « actions des personnes dont l’engagement pour les humains doit être souligné et salué », citant Cao Shunli et l’Iranienne Mahsa Amini comme exemples de « victimes directes de la répression qui sévit dans leurs pays respectifs, soit la Chine et l’Iran ».

« Nous sommes reconnaissants aux autorités genevoises d’avoir choisi de défendre la cause de Cao et de rendre un vibrant hommage aux défenseur·e·x·s des droits humains qui ont subi de graves conséquences à cause de leur travail », a déclaré Raphaël Viana David, responsable du programme Chine pour l’ISHR. .

À l’origine, ISHR et nos partenaires de la société civile cherchions à faire ériger un monument spécifiquement à la mémoire de Cao afin de rendre hommage aux personnes qui ont été spécifiquement ciblées pour avoir cherché à interagir avec le système des droits humains de l’ONU, comme ce fût son case en 2013.

« Les défenseur·e·x·s comme Cao Shunli prennent de sérieux risques en venant à Genève et ce dans l’espoir de construire un monde meilleur. C’est une occasion manquée de ne pas affirmer explicitement que l’ONU et Genève doivent être sûres et accessibles aux défenseur·e·x·s et aux victimes de violations des droits humains. Cependant, ce mémorial souligne que la mort de Cao n’a pas été vaine : son héritage a contribué à mettre en lumière le sort de tous les défenseur·e·x·s victimes de persécution »
Raphaël Viana David

Avocate et militante des droits humains active au début des années 2000, Cao a été arrêtée par les autorités chinoises à l’aéroport international de Pékin en septembre 2013, alors qu’elle cherchait à se rendre à Genève. Elle est décédée quelques mois plus tard, le 14 mars 2014, des suites directes des mauvais traitements et du refus de soins médicaux tout au long de sa détention arbitraire.

À l’approche du dixième anniversaire de sa mort, ISHR et nos organisations partenaires de la société civile avons rendu hommage à Cao et à tou·x·s·tes les défenseur·e·x·s des droits humains qui ont fait l’objet de représailles de l’État en commandant un buste à son effigie et en lançant une pétition officielle pour que celui-ci soit placé en tant que monument public à Genève, capitale internationale des droits humains.

Les organisations participantes ont dévoilé le buste et la pétition le 14 mars 2024, dix ans après la mort de Cao, lors d’un hommage solennel à l’œuvre de sa vie devant le siège de l’ONU à Genève. Les groupes de la société civile ont également recherché le soutien du public, rassemblant plus de 1 000 signatures demandant aux autorités locales d’accepter que le buste devienne un monument officiel.

« Nous sommes profondément reconnaissants aux autorités genevoises d’avoir choisi d’embrasser la cause de Cao et de tous les défenseurs des droits de l’homme qui placent leurs espoirs dans cette ville comme refuge et bastion des droits de l’homme et de l’État de droit », a déclaré Raphaël Viana David, responsable du programme Chine pour ISHR.

Des personnes expertes de l’ONU ont qualifié la mort de Cao de « représailles meurtrières » de la part de l’État chinois, point culminant d’un effort visant à l’empêcher de travailler avec le système et les mécanismes des droits humains des Nations Unies pour faire la lumière sur les violations en Chine.

À ce jour, aucun individu ou entité publique n’a eu à rendre de comptes du sort de Cao, malgré les appels répétés des procédures spéciales de l’ONU exhortant Pékin à mener une enquête complète et impartiale sur les circonstances de sa mort – en 2014, 2019 et, une fois de plus, le 14 mars 2024.

Ce même jour, plus de 30 organisations – dont ISHR – ont publié une déclaration commune exhortant les États à tenir la Chine pour responsable de ce cas « paradigmatique » de représailles. Cet appel a également été repris dans un communiqué conjoint des ambassadeurs des droits humains de neuf pays européens, qui ont rappelé que la capacité des militant·e·x·s à travailler « en toute sécurité et librement » avec l’ONU est « indispensable » à la protection des droits humains.

Le 22 mars, lors d’une réunion du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, une défenseure de Chine continentale a lu une déclaration commune au nom de l’ISHR et de 16 organisations accréditées auprès de l’ONU, ainsi que 20 ONG sans statut consultatif. Elle a appelé à un instant de silence en l’honneur de la mémoire de Cao et a exhorté les représentants de l’État et de la société civile à applaudir son nom.

Les représentants chinois ont interrompu et tenté de censurer cet hommage public – tout comme ils l’ont fait lorsque ISHR a appelé à une minute de silence après la mort de Cao, en mars 2014 -, mais les États, y compris les 27 membres de l’UE, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, ont fait pression pour que cet hommage soit respecté et que l’oratrice puisse continuer.

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