© ISHR

Chine
Asie
Campagne

La société civile appelle la Ville de Genève à rendre un hommage permanent à l'activiste chinoise Cao Shunli

Dix ans après sa mort en captivité, le 14 mars 2014, une dizaine d'organisations a dévoilé un buste commémoratif à l’image de Cao, appelant les autorités genevoises à en faire un monument public permanent à sa mémoire et à celle des activistes victimes de représailles pour avoir coopéré avec les Nations Unies.

Des organisations de défense des droits humains ont organisé une série d’événements en hommage à la défunte militante Cao Shunli, le jour du dixième anniversaire de sa mort dans un cas de « représailles meurtrières » perpétrées par le gouvernement chinois.

Dix-huit organisations, dont ISHR, ont organisé une réception sur la Place des Nations de Genève, devant le siège des Nations Unies, pour honorer la vie et le travail de Cao et pour exprimer leur solidarité avec toutes les personnes militant pour faire respecter les droits humains et les libertés fondamentales en Chine.

Lors de cette réception, les organisations ont dévoilé un buste et une plaque commémorant Cao Shunli. Elles ont également lancé un appel au Conseil Administratif de Genève pour qu’il accepte de faire de ce buste un monument public permanent, ainsi qu’une pétition visant à obtenir des signatures pour soutenir cette initiative.

Le sort de Cao est intimement lié à la ville de Genève. Cao est morte en partie parce qu’elle était déterminée à venir ici et utiliser le système des droits humains de l’ONU, la plateforme que cette ville s’efforce d'offrir aux personnes qui défendent les droits fondamenteaux. Nous appelons les autorités locales, gardiennes de ce centre mondial du système universel des droits humains, à conserver ce monument et à se joindre à nous pour rendre hommage à l'une des leurs.
Phil Lynch, Directeur Executif d'ISHR

Commandé en septembre 2023, le buste est l’œuvre de l’artiste tchèque Marie Šeborová. Il a été dévoilé après une journée complète d’hommages à Cao et à toutes les personnes militant contre les violations généralisées des droits de l’homme en Chine.

Au long de la journée, ISHR et ses partenaires ont organisé une exposition de photos commémorant l’héritage de Cao et mettant en lumière le travaux d’autres activistes de Chine continentale, de Hong Kong, du Tibet et de la région ouïghoure, qui ont fait face à de graves représailles pour leur activisme et, dans certains cas, pour leur coopération avec les Nations Unies.

L’histoire de Cao est emblématique, mais elle n’est malheureusement unique. Le gouvernement chinois a arrêté, torturé et fait disparaître d’innombrables personnes travaillant à la défense des droits humains, ainsi que leurs proches. Ceci inclut mon mari, Ding Jiaxi, emprisonné depuis 12 ans, mais aussi de nombreuses femmes avocates et d’intrépides défenseures des droits humains, telles que Li Qiaochu, Chow Hang-tung ou Li Yuhan.
Sophie Luo, militante des droits humains et épouse de l’avocat chinois Ding Jiaxi, actuellement en détention.
Pendant combien de temps le gouvernement chinois échappera-t-il à toute sanction ? Il est inacceptable de normaliser les représailles meurtrières contre des personnes militantes qui cherchent uniquement à travailler avec l’ONU et à lutter pour bâtir une Chine où l’on respecte les droits de toutes et tous. Le courage de Cao inspire les activistes du monde entier : avec ce buste, nous honorerons son héritage jusqu'à ce que des comptes soient rendus pour toutes les victimes de représailles.
Renee Xia, directrice de Chinese Human Rights Defenders (CHRD)

Lors de la réception, l’assistance a également observé une minute de silence en l’honneur de Cao et d’autres activistes victimes de représailles dans le monde, rappelant ainsi un geste qui avait suscité l’indignation des représentants de la Chine chinois au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, immédiatement après la mort de Cao, en 2014. 

A l’époque, lorsque ISHR et d’autres organisations avaient cherché à observer une minute de silence, la délégation chinoise a interrompu la séance pendant une heure et demie.

Des événements comme celui-ci sont cruciaux car ils donnent de la visibilité aux activistes qui risquent leur vie pour faire avancer la justice et faire rendre des comptes à leurs gouvernements. Le cas de Cao est important pour comprendre comment la Chine riposte contre les individus qui osent protéger des valeurs fondamentales, notamment les des Ouïghour·es comme Yalqun Rozi et Rahila Dawut.
Zumretay Arkin, directrice du plaidoyer pour le Congrès mondial des ouïghours
Cette exposition photo présente des histoires et des moments difficiles vécus par des défenseurs des droits humains tibétains et leurs familles, notamment le défenseur de la langue tibétaine, Tashi Wangchuk, et le bien-aimé leader de la communauté et moine Tenzin Delek Rinpoché, décédé en détention en Chine. Au vu des efforts de la Chine pour empêcher les activistes tibétain·es de s’exprimer, il est plus crucial que jamais de veiller à ce que leurs visages soient vus et que leurs histoires soient entendues.
Tenzin Yangzom, au nom de la Tibet Advocacy Coalition

Plus tôt dans la journée, des expert·e·s des procédures spéciales de l’ONU ont renouvelé leur appel de 2014 enjoignant la Chine à mener une « enquête indépendante, impartiale et exhaustive » sur les circonstances de la mort de Cao. L’absence d’enquête dans un tel cas pourrait « constituer une violation du droit à la vie », indiquait leur communiqué, regrettant également que, depuis la mort de Cao, les autorités chinoises ont « intensifié leur persécution contre les défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui cherchent à travailler avec l’ONU ».

Dans un communiqué conjoint (lien en anglais) signé par plus de 30 organisations, la société civile a elle aussi appelé les États membres de l’ONU à faire pression sur la Chine pour qu’elle rende des comptes sur ce cas de représailles mortelles.

Des ambassadeurs des droits humains de l’Estonie, de la Finlande, de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg, des Pays Bas, de la Suède et du Royaume-Uni ont également publié un communiqué rendant hommage à Cao et à d’autres victimes de représailles mortelles. L’accès « libre et sûr » de la société civile à l’ONU est « indispensable à la protection des droits humains », pouvait-on lire dans leur communiqué.

À ce jour, aucun individu ni aucune organisation n’ont eu à rendre de comptes pour la mort de Cao Shunli. Son cas est l’un des plus anciens dans les rapports annuels du Secrétaire général de l’ONU qui compile les actes de représailles contre les membres de la société civile qui ont collaboré avec l’ONU.

ISHR et nos partenaires de la société civile (voir la liste complète ci-dessous) appellent les autorités genevoises à accepter notre demande de faire de ce buste un monument permanent dans un lieu privilégié au cœur de la Genève internationale. Ce geste rendrait hommage à Cao Shunli et montrerait le soutien de la Ville aux appels à la reddition des comptes pour sa mort et pour le sort de toutes les victimes des représailles d’État.

 


Contexte:

Cao Shunli était une activiste des droits humains et avocate chinoise qui a fait campagne pour que les voix de la société civile indépendante soient consultées dans les rapports nationaux du gouvernement chinois pour ses premier et deuxième Examens périodiques universels (EPU).

En septembre 2013, les autorités chinoises l’ont arrêtée à l’aéroport international de Pékin alors qu’elle se rendait à Genève pour participer à une formation, un mois avant le deuxième EPU chinois. Elle a été portée disparue pendant cinq semaines, avant de refaire surface en détention pénale et accusée d’avoir provoqué des « querelles » et provoqué des « troubles ».

Dès octobre 2013, il était clair que Cao Shunli souffrait de graves problèmes de santé pendant sa détention. Après des mois de refus de soins médicaux adéquats, du rejet des appels de ses avocats pour une libération sous caution pour des raisons humanitaires, et malgré les multiples appels de la communauté internationale pour sa libération urgente, Cao est décédée d’une défaillance de plusieurs organes le 14 mars 2014 dans un hôpital sous haute surveillance policière, loin de ses avocats et ses proches.


*Liste des organisations participantes:

  • International Service for Human Rights (ISHR)
  • The Network of Chinese Human Rights Defenders (CHRD)
  • Amnesty International
  • Front Line Defenders
  • Society for Threatened People (Gesellschaft für Bedrohte Völker)
  • Tibet Justice Center
  • International Commission of Jurists (ICJ)
  • The Observatory for the Protection of Human Rights Defenders – un partenariat de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation Mondiale Contre la Torture
  • Human Rights in China
  • Humanitarian China
  • World Uyghur Congress (WUC)
  • Swiss-Tibetan Friendship Association (GSTF/SAST)
  • Art for Human Rights
  • Martin Ennals Award
  • Hong Kong Center for Human Rights
  • Human Rights Watch
  • Human Rights First

Related articles

Genève érigera un monument en l'honneur des défenseur·e·x·s des droits humains, dont Cao Shunli

Les autorités locales genevoises ont annoncé leur intention d'ériger un monument public permanent rendant hommage aux défenseur·e·x·s des droits humains victimes de persécutions, y compris la défunte défenseure chinoise Cao Shunli. Cette décision fait suite à une pétition de la société civile demandant qu'un buste réalisé en l'honneur de Cao soit placé en public.

Un mécanisme de protection efficace est essentiel pour la mise en œuvre de la loi sur les défenseur·e·x·s au Burkina Faso

À l'issue d'une consultation stratégique de deux jours qui s'est tenue à Ouagadougou, au Burkina Faso, le Mécanisme National de Protection des Défenseur·e·x·s des Droits Humains a adopté son plan d'action 2024 pour renforcer ses capacités internes et consolider sa visibilité externe. Ce plan est crucial car il vise à renforcer son soutien aux défenseur·e·x·s dans un contexte où l'espace civique est de plus en plus étroit et où l'État se concentre sur les réponses à apporter au terrorisme.

Conclusions de la 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

La 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui s’est tenue à Arusha, en République-Unie de Tanzanie, du 20 octobre au 9 novembre 2023, est désormais achevée. Au cours de cette session, la Commission africaine a renouvelé son bureau. Elle a accueilli les déclarations solennelles des membres nouvellement élu·e·x·s et des membres réélu·e·x·s, et a présenté différents documents et bulletins.