Photo: Apo-Werken

Chili, Suisse
l'Amérique latine et caraïbes, L'Europe
Nouvelles

Suisse | Non au renvoi de Flor Calfunao Paillalef, oui à plus de cohérence en faveur des droits humains

D’une minute à l’autre, la défenseure des droits humains Flor Calfunao Paillalef peut être renvoyée de la Suisse vers le Chili. Et ce malgré les menaces de mort et autres exactions pesant sur sa famille au Chili. La décision du Service d’Etat aux Migrations porte atteinte à la capacité de Flor de faire son travail de défenseure des droits humains et remet en question le soutien fort par ailleurs apporté par la Suisse au travail des défenseur.es.

Flor Calfunao Paillalef est depuis 2011 la représentante à l’ONU du peuple Mapuche, peuple autochtone s’étendant entre le Chili et l’Argentine. Au Chili, pays d’origine de Flor et qu’elle a fui en 1996, les Mapuche sont la cible d’exactions de toutes sortes de la part des autorités : arrestations arbitraires, détentions interminables, harcèlement judiciaire notamment via un recours abusif aux dispositions de la loi Anti-terrorisme, pillages, voire assassinats.

Ceux et celles qui se battent pour la défense du peuple Mapuche au Chili sont encore davantage visés par ce type d’exactions. Et leur entourage aussi. Plusieurs membres de la famille de Flor font ainsi l’objet de mesures de protection de la part de la Commission Interaméricaine des droits de l’Homme, compte-tenu des nombreuses attaques dont ils/elles ont été victimes à cause de leur activité de défense de leur peuple et de leur territoire ancestral.

Malgré des demandes successives au Service d’Etat aux migrations (SEM) depuis 2008, malgré son travail reconnu aux Nations Unies en faveur des droits humains et de son peuple, malgré le Prix que lui a remis la Ville de Genève en reconnaissance de son engagement, malgré les menaces pesant sur sa sécurité au Chili, Flor s’est toujours vue refuser l’obtention du statut de réfugiée par les autorités suisses. Après un refus final du Tribunal Administratif Fédéral le 11 juillet dernier, le couperet tombe: Flor a jusqu’au 16 août 2018 pour quitter le territoire suisse. C’est donc vers la voie du permis humanitaire qu’elle s’est désormais tournée, requête toujours en attente de décision des autorités à ce jour.

Quid des menaces pesant sur Flor au Chili ? Le SEM n’en aurait-il tenu aucun compte ou, par extraordinaire, n’en serait-il pas informé ? La réponse est toute autre : le SEM a bien eu vent des menaces pesant sur Flor et sur le peuple Mapuche, mais, à ses dires, ces menaces n’auraient cours qu’en Auracanie, région d’origine des Mapuche. Il suffirait donc à Flor de s’installer dans une autre région. Loin des siens. Et loin de tout moyen de poursuivre son travail en faveur des droits humains et de son peuple. Une perspective inacceptable, et contraire aux engagements internationaux de la Suisse en faveur des défenseur.es des droits humains.

La Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme impose ainsi en premier lieu aux Etats le devoir de protéger les droits humains et ceux et celles qui les défendent (art. 2). Cette protection passe notamment par l’adoption de « mesures législatives, administratives et autres nécessaires pour assurer la garantie effective des droits et libertés visés par la (…) Déclaration. » (ibid.) Autant dire qu’une décision des autorités suisses ayant pour effet la mise en danger d’un.e défenseur.e et l’arrêt pur et simple de son travail en faveur des droits humains, est loin d’atteindre cet objectif.

Vivant à Genève, Flor peut se rendre au Conseil des droits de l’Homme, où elle est la seule personne à porter les préoccupations de son peuple. Si elle retourne au Chili, le peuple Mapuche aura perdu sa voix aux Nations Unies. Terre d’accueil du Conseil ainsi que du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, la Suisse doit faire preuve de plus de cohérence et se montrer également accueillante envers ceux et celles qui défendent effectivement les droits humains. Elle doit donc réviser sa décision de renvoi de Flor, sous peine de porter un coup à sa crédibilité internationale, et de devoir rendre des comptes à la communauté internationale pour mise en danger d’une défenseure des droits humains.

Download as PDF

Related articles

Conclusions de la 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples

La 77e session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples qui s’est tenue à Arusha, en République-Unie de Tanzanie, du 20 octobre au 9 novembre 2023, est désormais achevée. Au cours de cette session, la Commission africaine a renouvelé son bureau. Elle a accueilli les déclarations solennelles des membres nouvellement élu·e·x·s et des membres réélu·e·x·s, et a présenté différents documents et bulletins.

Forum des ONG : Lutter contre le racisme, la xénophobie et la discrimination auxquels font face les migrant·e·x·s en Afrique

Lors d’un débat passionnant et instructif qui s’est tenu le 17 octobre à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (Commission africaine), d’éminentes personnalités ont abordé les questions cruciales de la discrimination et de l’esclavage moderne, deux fléaux qui continuent de sévir sur le continent africain.

CADHP 75 : Les États doivent fournir des données significatives concernant les droits économiques, sociaux et culturels

Le 10 mai 2023, la Commission Africaine a organisé une table ronde afin de discuter des différents moyens dont disposaient les États afin de s’acquitter de leurs obligations en matière de présentation de données sur les droits économiques, sociaux et culturels, de l’utilisation de celles-ci dans l’élaboration des politiques, ainsi que des possibilités de collaboration entre la Commission et les États pour faciliter ce processus.