Lors d’une table ronde animée par Maria Andrea Echazu Aguero du Haut-Commissariat aux droits de l’Homme, les intervenant·es ont analysé la manière dont l’Accord de libre-échange continental africain devrait être mis en œuvre pour ne pas compromettre les droits des Africain·es, aggraver les changements climatiques ou exacerber les inégalités entre les sexes sur le continent.
Les intervenant·es étaient Ebrima Dem, représentant de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en Gambie, Meskerem Geset Techane, membre du Groupe de travail de l’ONU sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles, et Khalid Ramli, membre de la Commission nationale des droits de l’Homme du Maroc, s’exprimant au nom du Réseau des institutions nationales africaines des droits de l’Homme (RINADH).
L’Accord de libre-échange continental africain : la voie vers la durabilité alimentaire ?
S’exprimant au nom de la FAO, Ebrima Dem a décrit le libre-échange comme un droit humain qui ne pouvait être réalisé que dans un contexte de liberté de mouvement. Or, selon lui, cette dernière n’est que théorique dans bon nombre de régions du continent. Selon Dem, garantir le droit à la liberté de mouvement ne facilite pas seulement le commerce, mais permet également de prévenir l’insécurité alimentaire et de renforcer les moyens de subsistance en développant les échanges.
Il a toutefois reconnu que les obstacles au commerce et la façon dont ce dernier était affecté par les changements climatiques pesaient plus lourdement sur les femmes, et a appelé les États à entendre et reconnaître les femmes et leurs préoccupations lors de la mise en œuvre de politiques touchant au commerce, à la lutte contre les changements climatiques et à la sécurité alimentaire.
Le commerce ne doit pas primer sur les droits et les préoccupations des femmes
Pour Meskerem Geset Techane, le commerce peut représenter une occasion d’éliminer les disparités entre les sexes, mais il peut également les accentuer, entre autres inégalités. Selon elle, les responsables politiques ont tendance à sous-estimer les contributions des femmes et les problématiques particulières auxquelles elles se heurtent dans le domaine du commerce. Elle a également relevé le peu d’efforts consentis par les pouvoirs publics pour coopérer utilement avec les femmes et les associations féminines dans le cadre des négociations commerciales.
Techane a ensuite demandé aux États de reconnaître explicitement le rôle particulier des femmes dans les processus commerciaux et l’incidence que des ententes telles que l’Accord de libre-échange continental africain pouvaient avoir sur elles et sur leur place dans la société. Elle a appelé les gouvernements à davantage prendre en compte les questions de genre et de garantir la participation des femmes et des autres groupes marginalisés à toutes les étapes de l’élaboration des politiques commerciales, de la conception aux négociations précédant la signature d’accords commerciaux majeurs.
Les institutions nationales des droits humains (INDH) doivent servir de guides pour la mise en œuvre de politiques commerciales fondées sur les droits
Selon Khalid Ramli, si l’Accord de libre-échange continental africain n’est pas mis en œuvre selon une approche solidement fondée sur les droits humains, il risque de laisser de côté un grand nombre d’Africain·es vulnérables. Pour Ramli, les INDH pourraient devenir des interlocutrices efficaces en vue de mettre en place une telle approche, au vu de la reconnaissance croissante dont elles bénéficient du fait de leur travail au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU et à l’Assemblée générale.
Les INDH peuvent plaider pour que les principes directeurs relatifs aux droits humains de l’ONU – « protéger, respecter et réparer » – soient placés au cœur de la mise en œuvre des accords commerciaux. Les INDH peuvent également jouer un rôle de coordination afin de réparer les violations des droits humains liées à l’application d’accords de libre-échange tout en se servant de leur position pour encourager les États à s’acquitter efficacement de leurs responsabilités en matière de respect et de protection des droits et leur apporter les conseils nécessaires.
Toutefois, Ramli a reconnu que les INDH africaines ne disposaient pas toujours de l’expertise et des ressources humaines et financières suffisantes pour véritablement peser sur les négociations commerciales. Ainsi, le RINADH travaille à sensibiliser les États et les INDH elles-mêmes au rôle que ces dernières peuvent et doivent jouer dans la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange continental africain, mais également à des questions plus générales relatives au commerce et aux droits humains.
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