Le 15 juin 2023, l’Assemblée nationale de la RDC a adopté “la loi relative à la protection et la responsabilité du défenseur des droits de l’homme en République Démocratique du Congo”. La RDC devient alors le cinquième pays d’Afrique et le premier d’Afrique centrale à adopter un instrument juridique pour la promotion et la protection des défenseur.e.s. Après l’adoption de deux Édits au Nord et Sud Kivu, la RDC garantit enfin la protection des droits des défenseur.e.s à travers le pays. Cette adoption intervient suite à une consultation organisée par ISHR et SOS Information Justice Multisectorielle (SOS-IJM) le 22 Mars 2023 entre la société civile et les Sénateurs à Kinshasa pour discuter de la proposition de loi et s’assurer que celle-ci respecte les standards internationaux liés à la protection des défenseur·e·s des droits humains, en amont de son adoption.
“Le combat de plusieurs années a abouti. La RDC devient le 5ème pays africains à protéger, de manière spécifique, les défenseur.e.s sur son territoire et on l’espère, cela permettra aux défenseur.e.s de se sentir un peu plus en sécurité dans le pays” déclare Justin Bahirwe, Avocat et Coordonnateur de SOS-IJM
La loi, qui contient 30 articles, définit les droits et devoirs des défenseur.e.s des droits humains, leurs responsabilités ainsi que les recours, sanctions et réparations en cas de violations de leurs droits. En effet, l’article 3 garantit les libertés d’association, de réunion et d’accès à l’information. L’article 5 garantit la possibilité d’obtenir des financements provenant d’entités internationales. Comme c’est le cas en Côte d’Ivoire, au Mali et au Niger, la nouvelle loi accorde également une protection spécifique aux femmes défenseures des droits humains en son article 6. Il est également fait état des obligations de l’État telles que la protection physique du/de la défenseur.e (article 18) et celle de sa famille (article 14).
“L’adoption de cette loi est une avancée importante pour le pays et nous ne pouvons que la féliciter. Nous sommes néanmoins concernés, de voir que des provisions visant l’enregistrement des défenseur.e.s et la soumission annuels de rapport de ces derniers aient été maintenues ou de constater le manque d’établissement d’un mécanisme de protection qui permettrait de renforcer la mise en œuvre de cette loi” a soulevé Adélaïde Etong Kame, Responsable Senior du Programme Afrique à ISHR.
En effet, tout en garantissant un certain nombre de droits, en son article 7 la loi prévoit que les défenseur.e.s non affilié.e.s à une organisation doivent s’enregistrer auprès de la Commission Nationale des Droits de l’Homme qui par la suite dressera un répertoire des défenseur.e.s. Cette mesure va à l’encontre de la définition large du défenseur.e comprise à l’article 2 al.4 et la Déclaration des Nations Unies sur les Défenseurs reconnaissant qu’un.e défenseur.e est toute personne travaillant pour la protection des droits humains, indépendamment de la durée, or cet enregistrement ne permettrait pas aux défenseur.e.s occasinel.le.s d’être enregistré.e.s et par conséquent bénéficier des protections de ladite loi. De plus, les articles 11 et 16 prévoient l’obligation pour les défenseur.e.s et les ONGs de soumettre des rapports annuels sur leurs activités de protection et promotion des droits humains tandis que la loi du 20 Juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux association sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique prévoit déjà la soumission d’un rapport annuel par les ONGs au Ministère du Plan en son article 45. Enfin, malgré l’inclusion d’un chapitre 4 intitulé “Du mécanisme de protection du défenseur des droits de l’homme”, il n’est donné aucune information sur ledit mécanisme et sa mise en place. Un tel mécanisme est primordial pour assurer la mise en œuvre effective de la loi.