En août 2018, un groupe de 10 expert·e·x·s en droits humains nommés par l’ONU a écrit une longue lettre au gouvernement chinois pour s’enquérir des dispositions légales autorisant la RSDL. Iels avaient reçu des informations selon lesquelles l’organe législatif chinois, le Congrès national du peuple, réviserait à nouveau la loi sur la procédure pénale, et que les groupes de la société civile et les avocat·e·x·s chinois étaient très préoccupés par l’article 73 autorisant la RSDL. Les expert·e·x·s ont étudié la loi dans son ensemble – en particulier l’article 73 – et ont expliqué en quoi elle ne respectait pas les normes internationales, y compris les traités relatifs aux droits humains que la Chine a elle-même ratifiés.
Sur la base des informations qu’iels ont reçues, de leur connaissance de la situation en Chine et de leur expertise des normes internationales en matière de droits humains, les expert·e·x·s de l’ONU ont tiré une série de conclusions claires sur la RSDL, tant au niveau de sa définition juridique que de son utilisation réelle. Iels affirment que la RSDL:
- prive [les personnes détenues sous RSDL] du droit fondamental à un procès équitable, porte potentiellement atteinte au droit à l’intégrité physique et mentale, et prive les personnes détenues dans ces conditions de leurs droits à l’assistance d’un avocat et aux visites de leur famille
- donne à la police et à la sécurité publique des pouvoirs trop importants, qui sont utilisés de manière abusive pour permettre des arrestations arbitraires
- est utilisée pour museler les droits pacifiques et légitimes à la liberté d’expression, de réunion, d’association et à la défense des droits.
En bref : en promulguant et en utilisant la RSDL, la Chine ne respecte pas ses obligations contraignantes en matière de droit international.
Dans une déclaration publique de mars 2020, un groupe d’expert·e·x·s, dont le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (GTDFI), s’est dit « alarmé par l’utilisation continue de la RSDL en Chine, bien qu’il ait réitéré pendant de nombreuses années la position selon laquelle la RSDL n’est pas compatible avec le droit international des droits humains ». Iels ont affirmé que « en tant que forme de disparition forcée, la RSDL permet aux autorités de contourner les procédures ordinaires prévues par le droit pénal et de détenir des personnes dans un lieu non divulgué pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois, sans procès ni accès à un avocat. Cela expose les individus à un risque accru de torture, de traitement inhumain ou dégradant ou de punition ».
Dans un avis juridique de septembre 2021 sur les cas de Zhang Zhan, Chen Mei et Cai Wei, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) « demande au gouvernement d’abroger les dispositions régissant la RSDL ». Il souligne la position commune adoptée avec d’autres expert·e·x·s de l’ONU, selon laquelle la RSDL :
- “équivaut à une détention secrète et constitue une forme de disparition forcée
- « contrevient au droit de toute personne de ne pas être arbitrairement privée de sa liberté, de contester sans délai la légalité de sa détention devant un tribunal, ainsi qu’au droit des personnes accusées de se défendre par l’intermédiaire de l’avocat de leur choix ».
- peut constituer en soi une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire une torture, et peut en outre exposer [les personnes détenues en vertu de la RSDL] à un risque accru de nouveaux abus, y compris d’actes de torture ».
- est « utilisée pour restreindre l’exercice des droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association des défenseurs des droits humains et de leurs avocats ».
Le Groupe de travail a rappelé cette position dans ses avis juridiques sur les cas de Yu Wensheng, Li Kai, Xu Zhiyong, Ding Jiaxi, Zhang Zhongshun et Dai Zhenya, et Wang Jianbing.
Les expert·e·x·s des droits humains des Nations unies ont en outre réitéré leurs préoccupations concernant la RSDL dans des lettres adressées au gouvernement chinois sur les cas de Guo Feixiong et Tang Jitian (février 2022), Chang Weiping (septembre 2022), Huang Xueqin, Wang Jianbing et He Fangmei (décembre 2022), et Xu Zhiyong (mai 2023).
Dans son rapport annuel de 2022, le GTDFI a noté que le gouvernement chinois n’avait toujours pas répondu positivement – après plus de neuf ans – à sa demande de visite dans le pays ; dans le même temps, le nombre de cas de disparitions forcées en suspens pris en charge par le groupe de travail au cours des cinq dernières années a augmenté de 124 %, passant de 68 à 152.
À la suite de sa visite officielle en Chine en avril 2022, Michelle Bachelet, alors Haut-Commissaire des Nations unies aux droits humains, a réaffirmé que les organes des Nations unies chargés des droits humains avaient classé la RSDL comme une forme de détention arbitraire et a appelé à son abrogation.