En Chine, comme partout ailleurs, les gens veulent vivre dans la dignité. Ils veulent non seulement satisfaire leurs besoins fondamentaux et s’occuper de leur famille, mais aussi s’exprimer librement et traiter les autres avec équité et respect. Malheureusement, le gouvernement perçoit les efforts visant à créer une société en Chine plus inclusive, plus diverse, plus respectueuse des droits et plus juste comme une menace à son pouvoir.
Cao Shunli, une courageuse défenseure des droits humains, a tenté de dire la vérité aux puissants en attirant l’attention des Nations unies sur la situation des droits humains en Chine. Son dévouement sans faille lui a valu d’être détenue arbitrairement par les autorités chinoises et de mourir tragiquement il y a exactement dix ans, le 14 mars 2014, après six mois de détention.
L’histoire de Cao n’est pas un incident isolé. Elle est emblématique de la répression plus large des défenseur·e·x·s des droits humains qui osent promouvoir la Déclaration universelle des droits de l’Homme en Chine. Nombreux sont ceux qui, comme elle, ont été injustement emprisonnés, harcelés ou ont fait l’objet d’une disparition forcée. Beaucoup subissent des représailles pour avoir tenté de coopérer avec les Nations unies, y compris en se rendant à Genève comme Cao a essayé de le faire. Pourtant, malgré ces difficultés, les défenseur·e·x·s des droits humains en Chine continuent à documenter, à dénoncer et à se mobiliser contre l’injustice.
En mars 2024, dix ans après la mort de Cao Shunli, ISHR et ses partenaires se sont engagés à perpétuer son héritage en amplifiant les voix des défenseur·e·x·s des droits humains chinois·e·x·s, tibétain·ne·x·s, ouïgour·e·x·s et hongkongais·e·x·s qui continuent d’être pris pour cible par le gouvernement chinois. Notre campagne a remporté plusieurs victoires :
- Le 14 mars 2024, les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales des Nations unies ont renouvelé, pour la troisième fois, leur appel public à la Chine pour qu’elle « mène une enquête complète et équitable sur les circonstances qui ont conduit à la mort de Cao Shunli et demande aux responsables de rendre des comptes ». Les expert·e·x·s ont déclaré que « le fait de ne pas enquêter correctement sur un décès potentiellement illégal peut constituer une violation du droit à la vie » et que « plutôt que d’utiliser la mort de Cao Shunli comme un signal d’alarme et un moment pour réformer l’engagement avec la société civile, les autorités chinoises ont malheureusement intensifié leur persécution des défenseurs des droits humains ». Les expert·e·x·s ont en outre « noté que la participation des défenseurs des droits de humains et de la société civile de Chine aux mécanismes et organes des Nations unies chargés des droits humains est tombée à un niveau historiquement bas ».
- Le même jour, neuf ambassadeurs européens des droits humains ont publié une déclaration commune rendant hommage à l’héritage de Cao Shunli et appelant tous les États à cesser de commettre des actes de représailles et à permettre un accès et une communication sûrs et sans entraves avec les Nations unies.
- Le 14 mars également, 31 ONG ont publié une déclaration commune pour faire écho à l’appel à une enquête sur la mort de Cao Shunli. ISHR et ses partenaires ont organisé une journée d’exposition sur les défenseur·e·x·s des droits humains persécutés, en particulier de femmes défenseures, et ont rendu hommage à Cao Shunli en observant une minute de silence et en dévoilant un buste de l’activiste sur l’emblématique Place des Nations. L’événement a fait l’objet d’un reportage écrit et vidéo par EFE.
- Le 22 mars 2024, une déclaration commune des ONG a été présentée avec succès au Conseil des droits de l’homme pour rendre hommage à Cao Shunli, au cours du débat général n° 5. Les vaines tentatives de la Chine, soutenue par Cuba, le Venezuela, la Russie et la RPDC, d’interrompre la déclaration comme elle l’avait fait il y a dix ans, ont été contrées par la Belgique au nom des États membres de l’UE, des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni, et par la décision du président du CDH de redonner la parole à l’oratrice. Ces expressions de soutien ont démontré à tous les défenseur·e·x·s des droits humains chinois·e·x·s qui ont (re)regardé la session en ligne qu’une série d’acteurs internationaux s’étaient engagés à défendre le droit de la société civile à s’exprimer et à s’engager librement auprès du CDH. Ces événements ont été rapportés sur plusieurs continents par Reuters, AFP, EFE et Infobae, La Nación de Argentina, SwissInfo en chinois, entre autres.
- Le 25 avril 2024, la ville de Genève a annoncé son intention d’accueillir un monument public qui rendrait hommage à « la mémoire des militants des droits de l’homme et aux causes universelles qu’ils incarnent ».
Les mots puissants de Cao, “Mais nous devons essayer”, nous rappellent à tous que même dans les moments les plus sombres, nous devons continuer à nous battre pour la justice. Car ce n’est que grâce à nos efforts collectifs que nous pouvons espérer réaliser un monde où les droits humains sont défendus, chéris et protégés pour tous. Tel est l’héritage de Cao Shunli.