Solomon Ayele Dersso, Commissioner and Focal Point of ACHPR on Human Rights in Conflict Situations

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CADHP71 : Recommandations pour la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique

Malgré l’adoption par l’Union Africaine de l’Agenda 2063 pour « l’Afrique que nous voulons » en mai 2013, l’année 2021 et le début de l’année 2022 ont été marqués par des coups d’État militaires dans 5 pays africains qui ont eu un impact considérable sur les droits humains, les libertés fondamentales, la démocratie et la gouvernance. Cela doit changer.

Le 27 avril 2022, à l’occasion de sa 71e session, la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (la Commission Africaine) a organisé un « Panel sur la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique : rôle de la CADHP ». L’objectif de cette table ronde était de réfléchir aux enjeux des changements anticonstitutionnels de gouvernement, à leurs causes structurelles, aux stratégies et aux solutions pour y faire face, ainsi qu’au rôle de la Commission et d’autres parties prenantes dans la promotion et la protection du constitutionnalisme, de la démocratie et de la gouvernance participative pour renforcer la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique.

Malgré les efforts déployés pour endiguer ce fléau à différents niveaux de gouvernance en Afrique, plusieurs États membres de l’Union Africaine (UA) ont connu des changements anticonstitutionnels de gouvernement, comme la Guinée, le Mali, le Tchad et le Soudan en 2021, ou encore le Burkina Faso en 2022.

Dans son discours d’ouverture, le Commissaire Rémy Ngoy Lumbu, Président de la Commission Africaine, a déclaré : « L’Afrique que nous voulons n’est pas celle que nous avons ». La majorité des pays africains sont menacés de déstabilisation, et la démocratie disparaît progressivement. La ratification par la Guinée, le Mali et le Burkina Faso de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance n’a pas empêché des coups d’État militaires dans ces pays.

« C’est l’absence de respect des droits humains et des peuples qui crée les conditions pour un coup d’État militaire », a indiqué Solomon Ayele Dersso, Commissaire et point focal pour la protection des droits humains dans les situations de conflit, pour expliquer ces changements. Lors d’un coup d’État militaire, la constitution et toutes les institutions nationales sont suspendues, ce qui entraîne une restriction des libertés et des droits fondamentaux.

« Depuis un an, le continent connaît une augmentation des changements anticonstitutionnels de gouvernement et, dans ces cas précis, le recours aux armes est dû à l’incapacité des dirigeant·es politiques à assurer une bonne gouvernance », a indiqué M. l’Ambassadeur Salah Siddig Hammad, chef du secrétariat de l’Architecture de Gouvernance Africaine (AGA) et du Département des affaires politiques.

« Le concept de changement anticonstitutionnel de gouvernement en Afrique doit évoluer, car sa définition actuelle dans les textes ne correspond pas à la réalité du continent. Ces changements de gouvernement sont liés à la nature des États postcoloniaux ; par conséquent, la question de la transformation des États africains est importante car, tant qu’elle ne sera pas effective, ces crises ne pourront pas être évitées », a souligné Ibrahima Kane, Chef de programme de plaidoyer auprès de l’Union Africaine pour l’ONG OSIWA.

« Le changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doit pas être considéré de manière isolée ; nous devons apporter des solutions durables en adoptant une approche globale des crises et des autres problèmes comme le terrorisme et les soulèvements populaires », a conclu M. l’Ambassadeur Bankole Adeoye, Commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de l’Union Africaine.

Les intervenant·es ont également fait les recommandations suivantes pour la prévention des changements anticonstitutionnels de gouvernement en Afrique :

  • le respect des principes démocratiques, l’établissement et la consolidation d’institutions démocratiques solides et le respect de l’état de droit sont essentiels pour la stabilité politique et pour assurer durablement la paix et le développement ;
  • l’implication de toutes les parties prenantes est nécessaire pour empêcher les changements anticonstitutionnels de gouvernement ;
  • dans ses rapports à l’UA, la Commission Africaine doit soulever la question des actions préventives pour remédier aux changements anticonstitutionnels de gouvernement ;
  • la Commission Africaine doit continuer à surveiller la mise en œuvre des instruments de l’UA et à lutter contre le problème de la corruption ;
  • la Commission Africaine doit continuer à surveiller la situation des droits des citoyen·nes comme elle le fait au Soudan où la population subit des pressions de la part du gouvernement ;
  • le concept de changement anticonstitutionnel de gouvernement doit être revisité dans les textes de l’UA ;
  • pour répondre au problème du changement anticonstitutionnel de gouvernement de manière globale, il est nécessaire d’intégrer le terrorisme et les soulèvements populaires à la réflexion ;
  • tous les instruments de l’UA doivent être ratifiés, intégrés dans les lois nationales et mis en œuvre.

 Regardez un enregistrement de la discussion ici.

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